Par Alain Valdes Sierra
La Havane, 19 janvier (Prensa Latina) Ces derniers jours, l’opposition politique colombienne a fait front commun pour demander au président Ivan Duque de freiner la détérioration des relations avec Cuba, fragiles en raison de l’aveuglement d’un gouvernement aligné sur le diktat des États-Unis.
L’inscription de l’île des Caraïbes sur la liste unilatérale des États-Unis des pays parrainant le terrorisme a assouvi les réclamations de l’administration Duque quant à sa volonté de minimiser l’état des liens bilatéraux avec Cuba.
La principale objection à ces objectifs est le rôle historique joué par La Havane en faveur des processus de paix dans la nation sud-américaine, dont le plus efficace a conduit à la cessation des hostilités entre l’État et les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée du peuple (FARC-EP), comme le rappellent des législateurs, des partis politiques et des médias colombiens et internationaux.
La fin des affrontements armés entre les parties a été possible à la suite de l’Accord de Paix de 2016 issu des pourparlers qui ont eu lieu dans la capitale cubaine, l´île assumant la responsabilité de garant aux côtés de la Norvège.
Cuba a assumé des rôles similaires dans la tentative de dialogue entre le gouvernement de Duque et l’Armée de libération nationale (ELN), un autre des groupes insurgés colombiens.
Cependant, l’attentat contre l’École des cadets de la police générale Santander il y a deux ans en Colombie a éliminé toute possibilité d’entente, et Duque a demandé à Cuba l’extradition des guérilleros négociateurs pour les traduire en justice.
La Havane, en sa qualité de garant, a refusé cette demande, car selon les principes convenus pour le dialogue en cas de rupture de celui-ci, il faut ‘assurer le retour en toute sécurité de la délégation dans les camps de l’ELN’, comme l’a indiqué à l’époque la chancellerie cubaine.
Le propre chef de la délégation gouvernementale de négociation de l’époque, Frank Pearl, a estimé que si l’administration Duque avait le droit de rompre le dialogue, les protocoles devaient être respectés.
‘… les protocoles sont faits pour que, quel que soit le cas d’une rupture, il y ait des normes minimales qui soient respectées’, a déclaré Pearl qui considère qu’il s’agit d’un engagement d’État.
Ces protocoles ne sont pas conditionnés par la raison de la rupture, a-t-il expliqué, et ‘Cuba a l’obligation de respecter ce protocole’, a-t-il ajouté.
Le refus de l’île d’extrader les guérilleros de l’ELN, dans le respect de ses engagements, a été un prétexte, entre autres, pour que le gouvernement des États-Unis réintroduise Cuba sur la liste des pays qui parrainent prétendument le terrorisme, dont elle était sorti en 2015 à la suite de la normalisation des relations bilatérales décidée par les présidents Barack Obama et Raúl Castro.
Des sénateurs colombiens de diverses tendances politiques ont envoyé une lettre à Duque dans laquelle ils demandaient une meilleure évaluation des relations avec Cuba en rapport avec sa contribution aux processus de paix au cours des quatre dernières décennies.
‘Ces actions ont été cohérentes et fiables, ce qui a permis aux gouvernements colombiens de diverses origines politiques de reconnaître son action en tant qu’État artisan de paix et, par conséquent, d’entretenir les meilleures relations diplomatiques’, ont averti les législateurs dans la missive.
La même ligne a été suivie par les partis Union patriotique (UP) et Communiste de Colombie (PCC), ainsi que par d’autres personnalités politiques et anciens négociateurs de paix comme Juan Camilo Restrepo, Humberto de la Calle et Sergio Jaramillo.
Restrepo, qui a dirigé la délégation de l’État lors des négociations de paix avec l’ELN, a estimé que l’île devait être traitée conformément à son rôle de ‘garant loyal de la paix’, et a appelé à reprendre le dialogue avec ce groupe d’insurgés, « dont le rythme ne peut pas être marqué par les cris du gouvernement Trump », a-t-il averti.
Il me semble, a-t-il ajouté, qu’il faut la traiter (Cuba) avec considération, comme un garant loyal de la paix, et cela n’aurait certainement pas de sens que maintenant la Colombie, parce que Trump a mis Cuba sur une liste noire, veuille changer de position face à ce pays.
Pour leur part de la Calle et Jaramillo ont rappelé que ‘… sans l’engagement et la contribution de Cuba, il n’y aurait pas eu d’accord de paix en Colombie’.
Les anciens négociateurs de paix voient dans la politique envers La Havane ‘une absurdité et un acte d’ingratitude étatique sans égal’.
Le problème, ont-ils affirmé, est le fait de privilégier l’idéologie et les intérêts partisans plutôt que le bon sens et les engagements internationaux.
De la Calle et Jaramillo ont estimé que le gouvernement de Duque a abaissé les relations internationales de la Colombie à leur point le plus bas, en se pliant au programme idéologique du président des États-Unis, Donald Trump.
Certains médias colombiens, comme le quotidien El Tiempo, qualifient le débat autour des relations Bogota-La Havane de ‘bras de fer politique’, mais la réalité va bien au-delà en montrant l’aveuglement d’un gouvernement en matière de politique étrangère.
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