Par Maylín Vidal
Santa Fe, Argentine, 23 juillet (Prensa Latina) Un Mercosur avec le regard tourné vers le nord, bien loin des rêves de la Grande Patrie Pan-Américaine ( la « Patria Grande », comme on l’appelle ici), et avec Bolsonaro, un homme d’extrême-droite, à la barre: comment être étonné que l’objectif soit autre chose que la chasse aux traités de libre-échange et les alliances « avec moins d’idéologie »?
« Nous voulons que chaque pays soit autonome, démocratique et que chacun soit grand. Comme dit (Donald) Trump » Nous voulons que l’Amérique soit grande » », c’est ainsi que s’est exprimé Bolsonaro au sujet du Mercosur, après avoir précisé, qu’en matière de commerce mondial, l’organisation ne tiendra pas compte des « obstacles idéologiques ».
C’est avec ces mots – indiquant un net rapprochement des États-Unis et un choix clairement pro-marché – que Bolsonaro a accepté des mains de Mauricio Macri, son homologue argentin, le marteau symbolique qui donne au Brésil la présidence par intérim du Mercosur pour les six prochains mois et donc la possibilité d’élargir les frontières commerciales de l’organisation.
Les échos de l’accord entre le Mercosur et l’Union Européenne, dont Macri se réjouit tellement, ont résonné au cours du 54ème sommet de l’organisation qui s´est tenu au Centre des Conventions Estación Belgrano de Santa Fe. Il a même été l’un des sujets les plus importants abordés au cours de ce sommet, tourné vers un élargissement des frontières commerciales.
L’objectif, maintenant, est d’obtenir d’autres accords avec l’EFTA – une organisation qui comprend la Suisse, l’Islande, la Norvège et le Canada-, sans oublier les possibilités qu’ouvre l’Asie et, bien évidemment, d’autres traités de libre-échange avec les États-Unis.
Certains observateurs remettent en cause le pour et le contre de ce type de convention passée avec les puissants pays d’Europe et soulignent, surtout, les énormes avantages qu’en tireront les européens, ce qui renforcera la dépendance économique des pays d’Amérique Latine.
Cet accord est « un signe qui montre que nous allons tous faire parti d’un marché commun ouvert, compétitif, dynamique, engagé à réunir les pays et le commerce », a estimé Macri durant la session plénière des dirigeants à laquelle ont également participé, en tant qu’États associés, les présidents de la Bolivie, Evo Morales, et du Chili, Sebastián Piñera.
Mario Abdo Benítez, le président du Paraguay, a exprimé sa confiance en ce nouvel accord avec l’Union Européenne qui ouvre, selon lui, de nombreuses opportunités et a cité comme exemple le taux zéro de taxes douanières dont bénéficieront les produits du Mercosur. Bolsonaro, quant à lui, a déclaré qu’il allait aider à moderniser les économies, à stimuler la croissance et à créer des emplois.
De son côté, le président Evo Morales, dont le pays est en voie d’adhésion au sein du Mercosur, a insisté sur le fait que chaque traité, chaque convention devraient avoir pour priorité de s’occuper des besoins des classes les plus humbles, les plus pauvres et des laissés-pour-compte.
Et au-delà de toute la fanfare et des flons-flons autour de cette convention entre le Mercosur (Marché Commun du Sud) et l’Europe, les dirigeants sont tombés d’accord pour renforcer les bases de leur organisation afin de mieux la préparer à affronter les défis de l’avenir.
Parmi les objectifs atteints -et en plus des diverses déclarations communes- les dirigeants des pays fondateurs du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, et Uruguay) ont pu se féliciter de la disparition du coût du « roaming » entre leurs pays, ce qui représente un bénéfice net pour les citoyens.
Une fois de plus, le Venezuela a été absent de cette rencontre, le pays ayant été suspendu pour « une durée indéfinie » depuis 2017, à la suite d’une Réunion Extraordinaire à laquelle Caracas n’eut pas le droit d’assister alors que -accusé de ne pas remplir les normes du Protocole d’Adhésion- le Venezuela assurait à ce moment-là la présidence de l’organisation. Il fut donc même empêché d’aller jusqu’au bout de son mandat.
Comme il fallait s’y attendre, Macri et Bolsonaro ne perdirent aucune occasion pour revenir à la charge contre Caracas et proclamer haut et fort que le seul président légitime du Venezuela était le président autoproclamé par intérim, Juan Guaidó, un choix partagé par d’autres pays du Mercosur. La déclaration commune adoptée sur ce sujet n’a pas été signée par la Bolivie.
Le sommet s’est tenu avec le son des tambours pour bruit de fond et la clameur des manifestants qui avaient répondu à l’appel de diverses organisations sociales et politiques et s’étaient rassemblées près du Centre des Conventions afin de montrer leur opposition « au plan d’ajustement et de reddition aux intérêts économiques proposé par l’Argentine et le Brésil », considéré comme un énorme pas en arrière.
La manifestation, partie de la place Alberdi -au centre de la ville- a rejoint le Centre des Conventions Estación Belgrano et, la veille, les représentants des différents collectifs avaient tenu un contre-sommet des peuples afin de défendre le modèle de développement que le mouvement ouvrier désire pour la région.
Ainsi se termine donc cet autre Sommet du Mercosur. L’organisation est maintenant aux mains d’un Bolsonaro dont le regard est tourné vers le nord et qui a déclaré que, bien sûr, » je ne veux pas d’une Grande Patrie en Amérique du Sud ».
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