Par Glenda Arcia*
La Havane, 7 mars (Prensa Latina) Un quinquennat après la pire crise migratoire de l’histoire récente, la violence et la militarisation sont de nouveau les réponses de l’Europe face à l’arrivée de milliers de personnes fuyant la guerre et la famine.
Victimes des divergences et des échanges de menaces entre la Turquie et l’Union Européenne (UE), de nombreuses familles, femmes enceintes, personnes âgées et des enfants non accompagnés restent aux frontières de la Grèce, où ils sont reçus par des personnes en uniformes armées de gaz lacrymogènes, de grenades assourdissantes, de balles en caoutchouc et de munitions réelles.
Entassés, agressés et abandonnés, les sans-papiers, provenant pour la plupart d’Afrique et du Moyen-Orient, souffrent des conséquences de l’inaction de l’UE, des violations des droits de l’Homme et des stratégies visant à réaliser des objectifs géopolitiques.
« Remplir les frontières de barbelés, de caméras thermiques et de gaz lacrymogènes n’est pas une réaction à une crise humanitaire ; c’est une disgrâce, un malheur et un acte de violence contre ceux qui cherchent à se protéger », a dénoncé Cornelia Ernst, eurodéputée et membre du parti allemand Die Linke.
Comme elle, de nombreuses voix, dont 60 organisations non gouvernementales, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), ont condamné le traitement inhumain infligé à ces personnes et ont exhorté les parties en conflit à trouver une solution dans les meilleurs délais.
Le 28 février dernier, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé la fin des contrôles de sécurité dans la zone frontalière avec la Grèce, après que son pays ait servi de rempart pendant quatre ans à l’arrivée massive de migrants en Europe.
En 2016, Ankara et l’UE ont signé un pacte selon lequel la Turquie acceptait de contrôler le flux migratoire vers les États du bloc communautaire en échange de près de 6 milliards d’euros et d’autres facilités telles que la suppression des visas pour ses citoyens.
Depuis, courant 2019, l’UE a annoncé des sanctions à l’encontre de la Turquie pour les forages effectués dans les eaux de la zone économique exclusive de Chypre, et Ankara a menacé de se retirer de l’accord, mais a continué à jouer son rôle jusqu’à présent.
ESCALADES, MENACES ET CONSÉQUENCES
La décision d’ouvrir la frontière avec la Grèce a été prise à la suite d’une escalade des affrontements dans la province syrienne d’Idlib, où des militaires turcs ont participé à une attaque aux côtés du groupe terroriste Yakhat Tajrir el-Cham contre les troupes du Gouvernement de Damas, selon le Ministère russe de la Défense.
Cette action a été repoussée par l’armée et l’aviation syriennes, tuant au moins 33 soldats turcs.
Mercredi dernier, Erdogan a déclaré que l’UE devait soutenir les opérations de son pays en Syrie si elle voulait trouver une solution à la crise migratoire.
Il a également estimé que des États comme la Grèce, qui ferment leurs portes aux migrants et tentent d’empêcher leur arrivée par des coups, des tirs et en coulant leurs embarcations, violent la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
Le comportement de la Turquie a été critiqué par les dirigeants de l’UE, qui l’ont accusée d’utiliser les migrants comme moyen de chantage contre le bloc.
Entre-temps, la Grèce a réagi en renforçant les contrôles de sécurité, en transférant des militaires aux frontières et en suspendant les procédures d’octroi de l’asile, entre autres mesures.
Selon les médias locaux, cette nation a repoussé environ 35 mille migrants en une semaine, a arrêté des centaines de personnes qui ont réussi à entrer sur son territoire et a annoncé le début des préparatifs pour les expulser.
Pour sa part, Ankara a confirmé le déploiement d’un millier d’agents sur cette frontière pour empêcher le retour des migrants et des réfugiés.
Pendant ce temps, l’UE se contente de blâmer la Turquie et de soutenir la Grèce, qu’elle a laissée seule avec l’Italie dans les moments les plus difficiles de la crise migratoire de 2015, considérée comme la pire depuis la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).
Selon l’analyste espagnole Maria G. Zornoza, les 27 ont paniqué en se souvenant des fantômes de 2015, lorsque plus d’un million de demandeurs d’asile sont arrivés sur leurs côtes. Depuis, le bloc ne s’est pas remis des divisions que cette crise a déclenchées, ce qui a donné des ailes à des mouvements xénophobes et d’extrême droite.
Pour sa part, la députée Cornelia Ernst a dénoncé le refus cynique et injustifié de visas humanitaires, l’absence de voies de transit sûres pour les migrants et le rejet des plans de réinstallation des sans-papiers.
Tout cela, a-t-elle affirmé, résulte de l’échec de la politique d’asile de l’UE.
Jusqu’à ce qu’un système efficace soit mis en place, le plus grand nombre possible de personnes devrait être réparti entre les États membres. Nous devons nous efforcer d’éviter une catastrophe, de ne pas faire la guerre, a-t-elle ajouté.
L’OIM a rappelé que plus de 20 mille migrants sont morts depuis 2014 alors qu’ils tentaient de traverser la Méditerranée pour atteindre l’Europe.
À son tour, le HCR a réaffirmé que ni la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ni la législation européenne ne fournissent de base juridique pour la suspension de la réception des demandes d’asile.
Comme les années précédentes, le monde observe avec consternation la situation des migrants en Europe et les revendications et les critiques de nombreuses organisations augmentent de jour en jour.
Là encore, l’UE est mise en cause pour son inaction et sa réponse inefficace à la crise, alors que des milliers de personnes sont victimes de décisions politiques et d’un manque de solidarité.
*Journaliste de la rédaction internationale de Prensa Latina
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