Par Pierre Lebret * (Pour Prensa Latina)
Paris, 14 septembre (Prensa Latina) La condamnation de Rafael Correa confirme une fois de plus les intentions du gouvernement équatorien de transformer la justice en instrument de persécution politique. C’est une très mauvaise nouvelle pour la démocratie en Équateur et en Amérique Latine. Tant que Lenín Moreno est au pouvoir, être un opposant signifie être en danger.
Il y a près d’un an, des milliers de citoyennes et citoyens ont élevé la voix dans les rues de Quito contre l’interruption des subventions aux carburants, mesure annoncée par le président Lenín Moreno pour répondre aux exigences du Fonds Monétaire International (FMI). La répression a été brutale. Un style de gouvernement semblable à son pair chilien Sebastián Piñera quelques jours plus tard.
Malheureusement, il existe en Amérique Latine des forces qui portent atteinte à la démocratie, depuis cette région et au-delà. Et dans ce cas, il s’agit de l’utilisation de l’appareil judiciaire comme arme politique, une persécution pour résoudre les différends et éviter le retour de l’opposition au pouvoir.
Nous sommes confrontés au même schéma qu’au Brésil, où Lula a été condamnée et emprisonnée quelques semaines avant l’élection présidentielle.
Un scénario qui avait tenté d´être mis en place en Argentine contre Cristina Fernández de Kirchner, et qui se déroule actuellement avec l’ancien président Evo Morales qui vient d’être empêché d´être candidat au Sénat de Bolivie. Il y a quelques jours, y compris Human Rights Watch a dénoncé la persécution politique contre l’ancien mandataire bolivien.
En Équateur, l’instrumentalisation de la justice contre un ancien président, des femmes et hommes politiques d’opposition, ou la criminalisation de dizaines de personnes ayant participé au soulèvement populaire d’octobre 2019, met en évidence une présidence qui ne croit pas au mot démocratie et à l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Un autre exemple de cette persécution politique a été la décision du Conseil national électoral de suspendre plusieurs partis politiques en vue des prochaines élections, décision ensuite rejetée par le juge Fernando Muñoz.
Mais que représente l’actuel mandataire équatorien, sinon le retour d’idées et de pratiques qui rappellent les années les plus sombres pour son peuple ?
Que représente-t-il sinon le retour du néolibéralisme et de l’austérité; le retour du FMI qui réduit le rôle de l’État alors que ce dont les peuples latino-américains ont besoin est un État fort et protecteur pour défendre et soutenir les plus vulnérables, et plus encore dans ce contexte de crise sanitaire ?
Lenín Moreno représente également l’alignement sur la politique étrangère du président des États-Unis, Donald Trump.
Si l’on s’arrête aux chiffres, sous le gouvernement de Rafael Correa le taux de pauvreté est passé de 50% en 2010 à 34,5% en 2017. Mais depuis l’arrivée de Lenín Moreno, la pauvreté a augmenté d’environ six pour cent, et cela en seulement trois ans.
Les vieilles recettes néolibérales ne fonctionnent pas en Amérique Latine, elles affaiblissent la démocratie et l’État, elles enrichissent les plus privilégiés.
La raison pour laquelle il existe aujourd’hui une machine judiciaire pour opérer la persécution politique en Équateur, en Bolivie ou au Brésil, est d’empêcher le retour des gouvernements progressistes qui ont lutté contre la fracture sociale en mettant en place des politiques publiques pour une meilleure redistribution des richesses. Cela est inacceptable, antidémocratique, contraire à l’éthique et prive la jeunesse des possibilités d’un avenir meilleur.
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* Politologue français, spécialiste de l’Amérique Latine, expert en coopération internationale et membre observateur du Groupe Puebla