Par Francisco G. Navarro *
Managua, 5 octobre (Prensa Latina) L’Assemblée Nationale (AN, Parlement) a entre ses mains deux législations qui accaparent depuis la mi-septembre l´attention de l’opinion publique au Nicaragua : l’une concerne la réforme du code pénal et la seconde la Loi de Réglementation des agents étrangers.
Dans l’ordre chronologique, il y a d’abord sur le tapis parlementaire une réforme du Code pénal qui vise à inclure dans le texte la réclusion à perpétuité pour les auteurs de crimes de haine, qualifiés d’atroces par les autorités.
Le 14 septembre, le pouvoir exécutif a publié le document officiel intitulé ‘Déclaration de la Présidence de la République sur la réclusion à perpétuité pour crimes odieux’.
Par cet écrit, la Cour suprême de justice (CSJ) a reçu pour instruction de travailler sur une proposition législative qui traiterait de manière intégrale, préventive et pénale, des crimes atroces comme ceux qui se sont produits quelques heures plus tôt, et demanderait des peines sévères pour leurs auteurs.
Le lendemain, dans son discours pour les 199 ans de l’Indépendance de l’Amérique Centrale, le président Daniel Ortega a consacré une attention particulière à ce thème lorsqu’il a réaffirmé la commande gouvernementale de la veille.
L’avant-projet de loi sur la réglementation des agents étrangers a quant à lui été présenté aux députés le 21 septembre pour compléter un cadre législatif qui attire déjà l’attention politique de la nation.
Un double meurtre, avec viol, de deux sœurs âgées de 10 et 12 ans, le 12 septembre dernier, dans une communauté isolée de la Région autonome des Caraïbes septentrionale, a déclenché des alarmes quant à la nécessité de mettre un terme à ces crimes en durcissant le code pénal.
À cet égard, Ortega a réaffirmé dans son discours que le renforcement du système judiciaire devait se traduire par l’adoption de peines plus lourdes pour les crimes de haine, ajoutant qu´ils sont durement sanctionnés partout et que le Nicaragua ne ferait pas exception.
Face à la demande de nombreuses familles d’inclure même la peine de mort, il a fait valoir que ce pays était signataire d’une convention internationale sur l’interdiction de la peine de mort, mais qu’il n’y avait aucun compromis quant à la réclusion à perpétuité.
La proposition de réforme du Code pénal implique de modifier l’article 37 de la Constitution politique, de sorte que le débat parlementaire doit avoir lieu durant deux législatures distinctes, l’actuelle, qui se termine en décembre prochain, et celle de 2021 qui s’ouvre en janvier.
Un processus de collecte de signatures a également été engagé pour endosser une carte ouverte adressée à la Cour suprême et à l’Assemblée Nationale en les encourageant à légiférer en faveur de l’inclusion de la réclusion à perpétuité dans le Code pénal nicaraguayen.
Dès le 22 septembre, la récolte de signatures dépassait déjà les 650 mille, et le lendemain, une enquête de la firme M&R Consultants reflétait 90 pour cent de soutien populaire à l’initiative.
LOI SUR LA RÉGLEMENTATION DES AGENTS ÉTRANGERS
Le président de l’AN, Gustavo Porras a précisé que la Loi de Régulation des Agents Étrangers « a pour objet d’établir le cadre juridique de régulation aux personnes physiques ou morales qui répondent à des intérêts de financement externe et l’utilisent pour réaliser des activités qui dérivent en ingérence de gouvernements ou d’organisations étrangères dans les affaires intérieures du Nicaragua, mettant en danger la sécurité de l’État ».
Il a dans le même temps précisé que le texte juridique n’affectera pas les questions telles que les envois de fonds, les investissements, les activités commerciales et financières, tout comme ce qui a été convenu dans les traités commerciaux existants ou à conclure.
Le débat parlementaire, qui n’a pas le statut d’urgence, tiendra compte des consultations à mener avec les ministères du Développement, de l’Industrie et du Commerce, des Finances et avec le Parquet, la Cour suprême de justice et l’Unité d’analyse financière.
La réaction de l’opposition politique au gouvernement du Front sandiniste, avec le soutien de l’artillerie médiatique à son service, ne se fit pas attendre dès que les deux projets de loi furent esquissés.
‘Celui qui n´a rien à se reprocher n´a rien à craindre’ est un proverbe auquel les politiciens sandinistes et les médias de gauche font appel pour expliquer le malaise causé au sein de la droite face à la réforme pénale annoncée.
C´est que lors de son discours pour la Fête de la Patrie, Ortega a également mentionné les auteurs d’actes de violence et de crimes haineux lors de la tentative de coup d’État de 2018.
Il a rappelé que, comme le flibustier nord-américain William Walker, qui a incendié la ville de Granada en 1856, les participants à la tentative de renverser le gouvernement il y a deux ans ont également brûlé des écoles, des centres de santé et des médias sandinistes.
Le mandataire a dénoncé que ces mêmes forces prétendent à nouveau commettre des assassinats, poser des bombes et provoquer des destructions, alors que la nation fait face à la pire pandémie des 100 dernières années.
Il les a avertis que dès juin 2019, le gouvernement avait accordé une amnistie, incluant les personnes dont les mains étaient tachées de sang lors des événements de l’année précédente, tout en refusant la possibilité d’accorder une deuxième grâce.
‘Le peuple demandera des comptes dans le cadre des lois et règlements dont dispose l’Etat nicaraguayen; les lois sont là pour ça, pour punir et sanctionner ; non pas pour ce qu’ils disent, mais pour ce qu’ils font’, a-t-il souligné.
En ce qui concerne la législation sur les agents étrangers, le président de l’AN a rappelé que d’autres pays, dont le Brésil et les États-Unis, disposent d’un mécanisme de protection juridique similaire.
Comme si la réaction de la droite d’opposition à l’initiative légale ne suffisait pas, dans un acte manifeste d’ingérence dans les affaires intérieures d’un autre pays, l’Union Européenne a fait part de ses préoccupations et 21 eurodéputés ont signé une lettre demandant à l’Exécutif de reconsidérer le projet de loi.
L’un d’eux, connu pour son animosité politique envers le gouvernement du Front Sandiniste, l’espagnol José Ramón Bauzá, a demandé au bloc européen de se manifester dans les termes les plus énergiques possibles sur le sujet, et a menacé de suspendre le Nicaragua de l’accord d’association (commercial) avec le dénommé Vieux Continent.
Le sous-secrétaire d’État aux Affaires de l’Hémisphère occidental de l’administration Trump, Michael Kozak, reconnu pour son franc parrainage de l’opposition nicaraguayenne, ne pouvait manquer à la réaction internationale.
Le politicien conservateur de 74 ans semble oublier que la loi sur l’enregistrement des agents étrangers (FARA, pour ses sigles en anglais) existe depuis 1938 aux États-Unis.
Celle-ci exige que les agents représentant les intérêts de puissances étrangères dans une capacité politique ou quasi politique révèlent leur relation avec le gouvernement étranger et rendent compte des activités et des finances connexes.
peo/arb/fgn
*Correspondant de Prensa Latina au Nicaragua