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Énergie et changement climatique, les deux faces d’une même pièce

Par Nubia Piqueras Grosso

Panama, 16 juin (Prensa Latina) Le cauchemar environnemental a commencé au milieu des années 1980, lorsqu’un groupe de scientifiques a annoncé la découverte d’un trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique. Depuis lors, la sonnette d’alarme a été tirée. 

A l’époque, la réaction de la communauté internationale a été immédiate et décisive avec l’approbation et la signature de la Convention de Vienne par une vingtaine de pays le 22 mars 1985, parmi lesquels les plus grands producteurs de chlorofluorocarbones (CFC).

Face à cette réalité, le principal pari est la durabilité à travers des projets axés sur les énergies renouvelables qui aident l’environnement et les pays à atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), proposés par les Nations Unies pour 2030. Gustavo Máñez, coordinateur des Nations Unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes en matière de changement climatique, s’est entretenu au sujet de ce tournant avec la section « Scanner » de Prensa Latina.

Prensa Latina (PL) : Quelle est la raison de la lenteur de la mise en œuvre des programmes d’énergie renouvelable ?

Gustavo Máñez (GM) : Ces dernières années, le prix des énergies renouvelables a beaucoup baissé, elles sont donc très compétitives, c’est pourquoi leur pénétration a considérablement augmenté. Toutefois, cela ne suffit pas pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

C’est le cas des sécheresses causées par le changement climatique, qui réduisent le débit des rivières, entraînant une diminution de la production des centrales hydroélectriques.

D’autre part, les énergies renouvelables restent plus chères en raison de l’exploitation de centrales dans des pays comme le Panama, où il n’y a pas de taxe sur le charbon.

Cela signifie que si vous avez une usine installée et un combustible fossile bon marché, les conditions de concurrence ne sont pas les mêmes. Il existe donc une série de politiques publiques qui, dans de nombreux cas, ne favorisent pas le développement des énergies renouvelables.

À cela s’ajoutent les décisions liées à la promotion des combustibles fossiles tels que le gaz naturel, qui créent pendant 20 ou 30 ans une infrastructure qui rendra très difficile l’incursion des énergies renouvelables.

PL : Si vous deviez faire un bilan de la situation actuelle dans la région, comment voyez-vous l’évolution des stratégies liées à l’utilisation des énergies renouvelables ?

GM : Le Chili et la Colombie sont les pays qui progressent actuellement le plus dans cette stratégie comprenant la mise en fonction d’installations et de politiques publiques telles que la taxe sur le charbon, qui met les énergies renouvelables sur un pied d’égalité avec les combustibles fossiles, en plus d’autres incitations.

Le Brésil, malgré des signaux mitigés sur la question du climat, a également réalisé des travaux ambitieux dans ce domaine, notamment le développement de grandes installations et la production distribuée.

PL : Dans le cas du Panama, quels progrès ont été réalisés ?

GM : Nous constatons aujourd’hui un intérêt accru, qui se traduit par l’existence de parcs éoliens et la récente approbation du programme de transition énergétique qui encourage l’utilisation d’énergies propres.

Cependant, les investissements dans le secteur du gaz créeront un blocage majeur dans la dé-carbonisation de l’économie.

S’il est vrai que le gaz ne produit pas autant d’émissions que le charbon, il n’en reste pas moins un combustible fossile qui, au cours de sa production, dégage du méthane, une substance dont le potentiel de réchauffement planétaire est 100 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone.

Des études récentes menées avec le soutien du Programme des Nations Unies pour l’Environnement montrent que les émissions de gaz dans l’atmosphère des pays producteurs de gaz naturel sont plus élevées que celles qui sont rapportées. Cela montre des émissions fugitives non comptabilisées, une situation inquiétante.

PL : En ce qui concerne la régulation des gaz polluants dans l’atmosphère, quelle est votre opinion sur le Programme Vert développé par le Canal de Panama ?

GM : La position du canal de Panama, et le fait qu’il favorise le transit entre l’Asie et les côtes des États-Unis et de l’Europe, permet de réduire considérablement les émissions.

Sa seule existence génère un certain nombre d’avantages en termes d’émissions de gaz polluants, ce qui ne signifie pas que les transports ne doivent pas évoluer vers un système à faibles émissions grâce à des technologies telles que l’hydrogène ou l’électricité.

C’est précisément ce que nous constatons : jusqu’à présent, le secteur de la navigation maritime et de l’aviation a rejoint le cadre international des négociations sur le climat, mais nous ne parvenons toujours pas à respecter les dispositions de l’Accord de Paris pour parvenir à la dé-carbonisation de la planète et éviter les conséquences catastrophiques du changement climatique.

Il convient de noter que le Canal de Panama a contribué au fait que ce pays est l’un des trois au monde considérés comme négatifs en termes de carbone, ce qui signifie que ses forêts absorbent plus de CO2 (dioxyde de carbone) que celui que la nation émet dans l’atmosphère.

PL : L’une des énergies renouvelables actuellement développées par certains pays est l’énergie hydroélectrique, une stratégie qui se heurte à la vision des peuples autochtones, qui estiment qu’elle affecte l’environnement. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

GM : Cela entre également en conflit avec les droits ancestraux de ces populations sur les terres et autres ressources naturelles. Ces dernières années, dans certains pays de la région, nous avons même constaté des violations des droits de l’Homme liées à ce type de projet.

D’autre part, une étude réalisée en 2017 en collaboration avec l’Organisation latino-américaine de l’énergie a montré qu’en Amérique latine le débit des rivières devrait être réduit de 20 % d’ici 2040.

Cela signifie qu’à l’avenir, les barrages devront être plus grands afin de stocker plus d’eau, de produire de l’électricité et de rendre cette activité rentable. Cela implique une exploitation accrue des terres, avec un impact sur la biodiversité.

C’est pourquoi nous pensons qu’un modèle alternatif aux barrages hydroélectriques pourrait être constitué de petites installations de ce type, dites de production d’électricité au fil de l’eau, qui permettent de mieux utiliser les courants d’eau pour produire de l’électricité à petite échelle.

Mais le plus important est de promouvoir un dialogue ouvert et participatif entre les communautés affectées et les promoteurs, car parfois un grand projet hydroélectrique est choisi en raison de son attrait pour les investissements et les rendements.

Cependant, nous oublions parfois que nous pouvons atteindre le même objectif de production propre par d’autres moyens, et c’est ce qui manque aujourd’hui.

PL : Dans le cadre du schéma de transition énergétique, quels sont les types d’énergies renouvelables les plus développés aujourd’hui dans la région ?

GM : Ce que nous voyons le plus, ce sont des projets de production d’énergie solaire et éolienne à grande échelle. Les deux sont très compétitifs en raison de la réduction des coûts, au point qu’ils sont en mesure de battre la production au diesel, au charbon et au gaz naturel.

Cependant, certaines décisions politiques et économiques retirent du marché ces technologies qui sont moins coûteuses.

Nous pensons que les excédents de la production solaire distribuée, même à partir de petits panneaux solaires placés sur le toit de maisons ou de centres commerciaux servant à alimenter la production de ces installations ou industries, pourrait faire partie du réseau.

Il y a là un potentiel impressionnant. La réglementation panaméenne s’est améliorée pour favoriser cela, ce qui est super positif. Cependant, au niveau régional, nous voyons un grand potentiel inexploité.

PL : Dans quelle mesure la transition énergétique pourrait-elle avoir un impact sur le développement socio-économique des pays ?

GM : L’étude la plus récente tente de déchiffrer ce qui se passerait si, dans les paquets de réactivation économique post-Covid, l’utilisation d’énergies propres pour la production d’électricité et le transport était encouragée.

Dans un scénario où nous serions en mesure de respecter l’Accord de Paris et de faire en sorte que les deux secteurs n’émettent aucun gaz polluant d’ici 2050, comme le propose ce traité, pour chaque dollar investi, près de trois dollars et demi de retour sont générés, et ce uniquement sur une période de cinq à six ans.

Si, d’ici 2024, nous nous engageons dans ce type de promotion technologique et des investissements, le produit intérieur brut du Panama serait multiplié par quatre en trois ans seulement. Investir dans ces technologies génère un développement économique et social très important.

PL : Quels autres secteurs de l’économie pourraient bénéficier de la transition énergétique ?

GM : Nous pensons que dans un pays comme le Panama, qui aspire à devenir le centre commercial et économique de la région, la transition énergétique peut créer une chaîne de valeur autour des installations, des usines, la fabrication de composants et de pièces pour l’assemblage de panneaux solaires, de chauffe-eau et de stations de recharge pour véhicules électriques.

Il s’agit de tout un réseau de services et de développement industriel qui, jusqu’à présent, ne se produit qu’en Chine, aux États-Unis ou en Europe, mais si ce niveau d’ambition augmente, cela peut créer une série d’écosystèmes commerciaux autour des énergies renouvelables et de la mobilité électrique.

PL : Pensez-vous que la pandémie de Covid-19 pourrait avoir un impact sur un changement d’état d’esprit pour accélérer la mise en œuvre d’une véritable transition énergétique ?

GM : Cette maladie a déjà créé un changement dans la mentalité des gens. Je crois que ceux qui se sont préoccupés de lire les causes et les origines de la pandémie ont compris que le début de tout se trouve dans la mauvaise relation avec la nature, car les zoonoses en sont le résultat.

Si cela provoque une telle fracture sociale, économique et sanitaire, le changement climatique entraînera l’effondrement de nos sociétés et du monde tel que nous le connaissons jusqu’à maintenant.

Je crois que les gens se rendent de plus en plus compte qu’ils doivent prendre des décisions individuelles, mais surtout collectives, comme exiger que l’État cesse de subventionner les combustibles fossiles et de promouvoir les technologies qui nous mènent à l’effondrement.

Je crois et j’espère que cette pandémie serve, au moins, à nous ouvrir les yeux et à nous faire prendre conscience que nous devons changer.

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