mardi 8 octobre 2024 |
Prensa Latina - Qui sommes nous

| Contacter avec Prensa Latina

Agence d'information Latino-américaine
Édition française
Search
Close this search box.

Guantanamo, un prétexte illégal pour les États-Unis de maintenir des prisonniers en prison

Par Alejandra García Elizalde

La Havane (Prensa Latina) Les États-Unis enfreignent la loi à force de maintenir leur base navale de Guantanamo à Cuba à titre de prison. La plupart des détenus ne sont pas quant  à eux  inculpés, a dit l’avocat Thomas B Wilner.

« Il n’y a pas une seule raison légale de maintenir un déploiement de gardes et de prisonniers de guerre là-bas, surtout maintenant que les hostilités avec l’Afghanistan ont pris fin. Washington est à court d’excuses », a précisé le consultant du cabinet d’avocats Shearman & Sterling. Considéré comme l’un des juristes les plus prestigieux de son pays, il a été depuis 2004 le porte-parole d’un groupe d’avocats étasuniens  en représentation des détenus de plusieurs nationalités,  arrêtés illégalement dans le territoire cubain occupé par Washington depuis le début des années 1900.

Parmi les prisonniers qu’il a défendus pendant près de deux décennies figurent une douzaine de Koweïtiens ayant été torturés par des soldats nord-américains, d’abord en Afghanistan et au Pakistan, puis sur la base.

Il s’est rendu pour la première fois à Guantánamo en décembre 2004, trois ans après le début de la guerre « contre le terrorisme » en Afghanistan, qui a commencé peu après les attentats du 11 septembre 2001 contre New York, Washington et d’autres villes du pays.

Wilner est retourné dans la capitale de l’empire cette semaine après une nouvelle visite de la base et a accepté de parler à Prensa Latina de ses anciennes et nouvelles impressions.

PL : Qu’est-ce qui a changé en 20 ans, qu’est-ce qui est resté le même ?

TW : La base a beaucoup changé en deux décennies. Les bâtiments sont désormais plus solides et, bien qu’il ne reste plus que 39 prisonniers sur les 780 qu’elle détenait autrefois la structure est plus surveillée que jamais et protégée par des dizaines de postes et de fils militaires au sommet de ses gigantesques murs.

L’accès au complexe est écrasant. Washington a déployé des centaines de gardes juste pour garder ces quelques hommes. C’est très menaçant, car il faut passer par plusieurs cordons de sécurité avant d’atteindre la base elle-même.

Guantánamo semble héberger les pires criminels du monde, alors que seuls 12 des 39 prisonniers sont formellement accusés d’avoir commis des actes de terrorisme.

PL : Aviez-vous peur d’assumer la défense de vos clients ?

TW : La première fois que je suis allé à la base, je n’ai vu aucun des prisonniers personnellement. J’avais une grande appréhension de ce que serait la défense de ces hommes, que je ne connaissais pas. Je suis arrivé plein d’incertitudes : sont-ils vraiment des terroristes, me suis-je demandé.

J’y suis retourné à plusieurs reprises après cette première occasion et j’ai eu le temps de leur parler et d’apprendre à les connaître en profondeur. Ils se sont avérés être de gentils jeunes hommes, dont beaucoup travaillaient pour des organisations caritatives en Afghanistan, le pays le plus pauvre du monde dans les années 2000.

Mes premiers clients étaient originaires du Koweït, un pays disposant de nombreuses ressources, et ils ont décidé de se rendre dans le pays voisin déchiré par la guerre pour aider les plus démunis.

Au cours de nos innombrables discussions, ils m’ont raconté comment ils avaient été victimes des tortures les plus déshumanisantes. Ils ont été battus, maltraités et en état de choc. Ils le sont toujours.

Les Afghans eux-mêmes les ont vendus aux soldats étasuniens  sans l’ombre d’une preuve contre eux.

Les États-Unis payaient entre cinq mille et 25 mille dollars pour chaque terroriste présumé qu’ils attrapaient sur le terrain, alors les gens les capturaient pour obtenir la récompense. À l’époque, cette quantité d’argent en Afghanistan était l’équivalent de millions de dollars.

PL : Pensez-vous que l’administration de Joe Biden pourrait reprendre le projet proposé par l’ancien président Barack Obama (2008-2017) de transférer les prisonniers de la base vers les prisons nord-américaines ?

TW : Obama n’a pas tenu sa promesse de campagne. J’ai travaillé avec le conseiller de cette administration, Gregory Bestor Craig, qui était favorable à la fermeture de Guantánamo. Nous avons beaucoup travaillé sur ce projet.

Mais le président de l’époque est revenu sur sa promesse, et je peux dire honnêtement qu’il est l’une des véritables raisons pour lesquelles cette sinistre installation militaire est toujours debout. Il a promis beaucoup de choses, mais au final il n’a rien fait.

M. Biden, qui était vice-président sous l’ère Obama, était plus favorable à la fermeture de la base que le président lui-même. Les prisonniers de Guantánamo n’ont donc aucune raison de faire pression sur le gouvernement, de faire campagne pour leurs droits et de se battre pour eux. Les prisonniers ne sont donc pas une priorité.

PL : Les États-Unis ont récemment déclaré la cessation des hostilités en Afghanistan. Est-il légal de continuer à détenir des prisonniers de guerre après le retrait des troupes de Kaboul ?

TW : Ce n’est pas légal. Sur les plus de 780 prisonniers détenus sur la base au cours des 20 dernières années, seuls 16 ont été formellement accusés de terrorisme. Tous les autres étaient là pour d’autres raisons.

Sur les 16 accusés, 12 restent emprisonnés et sont jugés pour leurs liens avec des cellules extrémistes d’Asie centrale. Cela signifie également que 27 personnes sont actuellement détenues injustement sur la base.

Tuer des civils innocents est un crime en vertu de n’importe quelle loi, mais ceux qui n’avaient aucune charge contre eux étaient et sont emprisonnés pour le simple fait qu’ils ont été capturés pendant la guerre d’Afghanistan.

Maintenant que les hostilités ont cessé, ceux qui restent sur la base, qui ne sont pas en procès, devraient être libérés immédiatement.

Le gouvernement justifie cet emprisonnement sous le prétexte que le pays est toujours en train de « combattre le terrorisme », ce qui est illégal. C’est un argument global qui ne justifie pas le maintien d’une personne en prison.

Une guerre est un véritable conflit armé avec des troupes militaires dispersées sur un certain territoire. Lors d’une confrontation en cours, les membres du camp ennemi peuvent être détenus pour les empêcher de retourner sur le champ de bataille.

Toutefois, en temps de non-guerre, seules les personnes contre lesquelles des accusations peuvent être portées peuvent être emprisonnées.

Washington a l’obligation légale de renvoyer des personnes innocentes chez elles, il n’y a aucune raison de les garder là-bas, ni de les soumettre à des mauvais traitements. C’est ce que je défends actuellement au tribunal.

PL : Pourquoi les États-Unis insistent-ils pour conserver la base, malgré les revendications de Cuba, le propriétaire légitime de ce territoire ?

TW : Washington enfreint la loi en maintenant la base comme une prison, alors qu’elle devrait officiellement être une station de ravitaillement pour les navires de la marine étasunienne. Que peut faire Cuba ? Elle pourrait, par exemple, porter l’affaire devant les tribunaux internationaux, avec la certitude de gagner le procès.

jcc/rmh/lb/age

 

 

 

 

EN CONTINU
notes connexes