Par Angel Villa Hernández *
Addis-Abeba, 24 mars (Prensa Latina) Après des siècles d’esclavage, de colonialisme, de discrimination et de retard dans son développement, le continent africain est arrivé au XXIe siècle avec une nouvelle énergie pour montrer que la vie de millions de ses citoyens peut être transformée.
Ce qui précède repose sur son potentiel matériel et humain indéniable et sur ses réserves d’intelligence et de créativité.
Avec le début de l´année 2020 et dans le cadre de ses efforts pour mettre au point la Zone de libre-échange continentale, soutenue par une croissance économique de plus de quatre pour cent, et le Marché aérien commun, l´indésirable visiteur du Covid-19 est apparu officiellement dans la zone.
La plupart des gros titres de la presse internationale, y compris une grande partie de celle d’Afrique, ne suscitent plus depuis longtemps une prise de conscience internationale en faveur du paludisme, de la tuberculose, du VIH sida et autres maladies qui sont les principales causes de décès sur ce continent.
En son temps, l’Afrique a pris de l’importance avec la crise d’Ebola de 2014-2015 en Afrique de l’Ouest, qui a connu un regain l’année dernière avec l’épidémie en République Démocratique du Congo.
Aujourd’hui, l’attention médiatique du monde se concentre principalement sur la Chine, l’Europe et les États-Unis, à partir des réalités visibles auxquelles sont confrontées les principales économies du monde, prétendument mieux préparées à une telle éventualité.
D’importantes voix, dont l’OMS, lancent des alertes sur l’Afrique, continent qui connaît aujourd’hui des taux apparemment faibles de contamination et de décès, sans que l’on signale de transmission autochtone massive de la maladie, mais qui semble évidemment cacher des chiffres effrayants à partir de sa réalité socio-économique.
Bien que la plupart des 55 États disposent déjà de laboratoires de dépistage de ce virus, tous ne procèdent pas à des enquêtes de masse ou à d’autres actions agressives pour déceler les cas potentiels, sur la base des politiques gouvernementales existantes, qui sont partiellement limitées par l’absence de kits de diagnostic, les capacités limitées de traitement et l’impossibilité de fournir des soins médicaux à un afflux de personnes contaminées.
Face à la crise actuelle du Covid-19, les gouvernements africains ont adopté des politiques diverses allant de la fermeture totale des frontières, de la suspension des classes et de l’arrêt des activités à la réalisation de campagnes centrales de sensibilisation au virus.
Toutefois, cette pandémie s’empare du monde alors que de nombreuses populations en Afrique restent marginalisées, notamment en ce qui concerne l’accès à l’électricité, à l’eau potable, aux services de santé, à l’éducation et à Internet.
Ce qui précède ajoute à la pauvreté réelle des millions de personnes pour lesquelles les décisions prises par leurs gouvernements concernant l’assainissement et l’éloignement des personnes constituent des chimères inaccessibles.
Si le Covid-19 réussit à se transmettre localement en Afrique, comme on peut s’y attendre, il faudra s’attendre à ce que le nombre de personnes sous-alimentées, déplacées, analphabètes, réfugiées et autres groupes extrêmement vulnérables figure en tête des listes de décès. L´Ebola et le Covid-19 ont montré que les traditions et les coutumes en Afrique sont d’excellents vecteurs de propagation rapide, de sorte que même si des bouclages sont mis en place, aucun chef d’État africain ne pourra sensibiliser toute sa population à la nécessité de ne pas s’embrasser et de ne pas se saluer.
Si ceux qui ont accès aux hautes technologies médicales n’ont pas été en mesure de faire face à cette maladie avec la bienséance attendue, imaginons ce qui se passera dans cette région du monde.
À cela s’ajoute le fait que ceux qui ont traditionnellement donné des ressources à l’Afrique se trouvent aujourd’hui à l’épicentre de la crise, ce qui réduit considérablement les possibilités d’assurer une aide immédiate à ces pays, et oblige à différer ou à condamner à l’oubli les actions préventives et curatives dont le coût sera payé plus que de raison à moyen et à long terme.
La mobilisation en Afrique des dirigeants politiques, traditionnels, religieux, communautaires, des ONG, entre autres, devrait être une priorité pour amplifier les décisions prises dans les différents pays, car ils sont appelés à intervenir au niveau communautaire pour sensibiliser les masses et essayer de produire les changements d’attitude nécessaires qu’exige le moment.
Aujourd’hui, cependant, on voit en divers points de la géographie africaine des églises qui, au mépris des directives gouvernementales, appellent à venir en masse prier parce que le virus ne les affecte pas, des pays qui, dans leur désir d’imposer des mesures centralisées, ont fermé leur commerce extérieur, ce qui affecte même les possibilités de recevoir une aide extérieure d’urgence.
Les conséquences économiques de la pandémie actuelle en Afrique se font déjà sentir à tous les niveaux, et cette urgence sanitaire aux conséquences incalculables aura également des implications politiques.
Le temps d’agir et de prévenir une catastrophe se raccourcit. Si l’Europe et les États-Unis disent que le pire est encore à venir pour eux, imaginons ce qu’il adviendra de l’Afrique.
Peo/arb/jcd/avh
*Ambassadeur de Cuba auprès de l’Union Africaine.