Par Armando Reyes *
Beyrouth, 28 mai (Prensa Latina) Les déclarations contre l’Accord de Taif faites par Ahmad Qabalan, une figure musulmane chiite importante, ont relancé la polémique qui n´en finit pas au Liban, estiment les analystes.
Ce pacte, qui a mis fin à la guerre civile de 1975-1990, a réparti à parts égales le pouvoir entre musulmans et chrétiens, bien que des experts estiment qu’il s’agissait en fait d’une manœuvre destinée à détourner l’avance d’un mouvement de gauche.
Le discours de Qabalan a provoqué des divisions et relancé chez les Libanais le débat sur la meilleure formule de gouvernement, l´actuelle ayant conduit à la pire crise depuis des décennies.
Il est évident que le système des quotas religieux est entré en déclin, à en juger par les protestations massives antigouvernementales lancées le 17 octobre dernier pour exiger des changements dans l’élite dominante.
L’instabilité politique et l’affrontement sectaire ont caractérisé la nation des cèdres depuis l’indépendance de la France en novembre 1943.
Et l’appel à rompre avec le contenu de l´accord de la ville saoudienne de Taëf est également important au milieu de la bataille contre la pandémie du nouveau coronavirus qui a aggravé les difficultés des citoyens ordinaires.
Qabalan a déclaré que la fondation du Liban a été faite sur une base sectaire et tyrannique dans le but de servir le projet impérialiste et monopoliste, une formule, a-t-il dit, qui ne fonctionne pas.
Ce qu’ont fait Beshara Khoury et Riad Solh, les fondateurs de la nation, a-t-il ajouté, n’est pas valable pour un État qui doit représenter un être humain, un citoyen et non un croyant.
Avec le soutien de la France, le pouvoir colonial à cette époque, Khoury et Solh sont parvenus à une convention nationale non écrite sur le partage du pouvoir entre musulmans et chrétiens.
Le pacte de 1943 impose un Parlement à majorité chrétienne (54 sièges sur 99) et le reste aux musulmans.
Alors que l’Accord de Taif prévoyait un hémicycle de 128 sièges, 64 sièges pour chacune des confessions prédominantes du pays.
Toutefois, Qabalan, fils d’Abdel-Amir Qabalan, chef du Haut Conseil islamique chiite, la plus haute autorité religieuse de cette variante musulmane au Liban, a qualifié de corrompus la Constitution et le mécanisme adopté de gouvernement.
Je le dis donc à haute voix : non à (l´accord de) Taif, non à une ferme de sectes, non à un État de quotas, non à un système de partage du butin et non à un État qui affame les citoyens, et oui à un État comme institution forte et juste, a-t-il manifesté.
Les déclarations de Qabalan ont fait écho à une demande essentielle de centaines de milliers de Libanais qui sont descendus dans la rue dans le cadre d’un soulèvement populaire sans précédent, exigeant également le renversement de l’élite politique qu’ils accusent de corruption et de mauvaise gouvernance.
Le Gouvernement n’a jamais répondu à cette demande généralisée et la ministre de l’Information, Manal Abdel-Samad, a réaffirmé l’engagement de l’Exécutif concernat l´accord de Taif.
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a réagi le plus violemment à Qabalan en avertissant que jouer avec l’Accord de Taif équivalait à se suicider.
‘Nous avons entendu que la formule libanaise de coexistence est morte et nous n’y croyons pas parce qu’au moment où la formule libanaise mourra, le Liban mourra’, a ajouté Geagea.
Le président du Parlement, Nabih Berri, un fervent partisan de l’Accord de Taif, a quant à lui rejeté ce qu’il a appelé des voix discordantes appelant à un système de gouvernement fédéral.
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*Correspondant de Prensa Latina au Liban.