Par Pierre Lebret (Pour Prensa Latina)*
Paris, (Prensa Latina) La pandémie secoue le monde entier. Des pays déclarent l’avoir sous contrôle, d’autres lèvent timidement les quarantaines, pendant que certains sont sévèrement touchés.
Dans ce contexte de crise sanitaire, le néolibéralisme est un facteur aggravant. Comme le disait l’anthropologue Philippe Descola il y a quelques jours, le modèle de développement capitaliste est lui-même un autre virus.
Un virus complexe, qui engendre des déséquilibres à grande échelle, attaque nos sources de vie et tente d’atomiser les fonctions de l’État, laissant des zones d’ombre dans lesquelles les citoyens ne voient pas leurs droits garantis.
Dans les sociétés où la justice sociale n’est pas une priorité et le néolibéralisme le dénominateur commun, le coronavirus est vécu comme une double peine. La crise économique générée est encore plus violente dans les pays où il n’y a pas un tissu solide de protection sociale, où les travailleurs ne sont pas protégés, où les infrastructures de santé sont faibles et l’accès à la nourriture de plus en plus difficile, c’est le cas dans de nombreux pays Latino-Américains.
La pandémie n’a pas seulement démontré la nécessité d’un État solide et protecteur. Elle nous a également confirmé que le modèle néolibéral, enraciné dans la pensée occidentale, n’est pas durable. Les différents groupes qui dominent le système économique et financier mondial savent se restructurer en période de crise au détriment de la population et de l’environnement.
Ces dynamiques ne vont pas de pair avec ce que nous devons faire pour la survie de l’humanité au XXIème siècle. Aujourd’hui, ce n’est pas une question idéologique, c’est une question de bon sens. Nos sociétés ne sont pas durables si un être humain ne peut vivre dignement dans son pays.
Au cours de cette pandémie, nous constatons qu’au fur et à mesure que nos activités diminuent, la nature reprend du terrain, une flore et une faune plus présentes, réduction de la pollution dans les principales villes du monde… Encore une fois, tout cela indique qu’une grande partie de l’activité humaine se fait au détriment de la nature.
Dans cette même période, nous avons apprécié et été acteurs de la vague de fraternité depuis les balcons du Sud et du Nord, reconnaissants du travail de milliers d’hommes et de femmes, et exigeant un système de santé publique plus fort et pérenne.
Beaucoup de personnes commencent à prendre conscience que cette étape est une opportunité pour changer le monde, et c’est peut-être illusoire, mais cette énergie qui naît de l’espoir individuel, peut sans aucun doute être exploitée pour repenser nos modes de vie et s’engager sur une voie collective de transition vers des sociétés plus justes et plus inclusives, fondées sur l’égalité des sexes, exemptes de discrimination et respectueuses de l’environnement.
En d’autres termes, l’opposé du virus néolibéral.
Ce qui est inacceptable, c’est que certains gouvernements continuent d’adopter des politiques d’austérité encore plus sévères, réduisant la sphère publique, accroissant les inégalités et la pauvreté.
Mais il n’y a pas d’excuses, il n’y a pas non plus un manque de ressources, mais bien un manque de volonté de la part des plus riches. Les économistes Thomas Piketty et Joseph Stiglitz proposent un impôt minimum de 25% sur les grands groupes économiques pour sortir de la crise.
Le système international est confronté à un scénario de grande incertitude, source de méfiance, mais l’une des certitudes est que le monde a besoin de plus de répartition des richesses, de coopération et de politiques contra cycliques pour protéger la population des conséquences économiques et sociales de cette crise sanitaire.
L’abîme est proche lorsque, pour des raisons idéologiques, un gouvernement ne permet pas un plus grand endettement de l’État afin de protéger ses citoyens.
Les plans d’aide économique doivent impliquer des transferts financiers directement à la population et envisager des soutiens à des secteurs stratégiques pour accélérer la transition écologique, en ciblant les actions avec et pour les travailleurs à travers de nouvelles opportunités de formation.
Le Covid-19 est une tragédie, il nous fait prendre conscience de la fragilité de notre espèce. Au rythme effréné et nécessaire des scientifiques à la recherche d’un vaccin, il nous faut trouver simultanément l’antidote au néolibéralisme, afin de ne pas tomber dans une normalité qui ne fera que nous précipiter plus rapidement dans des situations que nous n’aurions jamais imaginées.
peo/ft/pl
* Politologue, spécialiste de l’Amérique Latine et expert en coopération internationale