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Siège économique contre le Venezuela : bien plus que les sanctions de Trump

Par Livia Rodriguez Delis *

Caracas, 11 décembre (Prensa Latina) Les commerçants privés du Venezuela augmentent tous les jours un peu plus les prix des vêtements, des chaussures, des aliments, y compris des médicaments, en se référant à un taux de change illégal proposé par le site internet DollarToday, dont le siège est à Miami aux États-Unis, et au taux de change informel qui opère sur le territoire colombien frontalier de Cúcuta.

De plus, et principalement dans la zone frontalière avec la Colombie, des mafias organisées accaparent, accumulent et trafiquent des bolivares (billets de la monnaie vénézuéliennes), des devises de n´importe quel pays, des titres de propriétés, des produits de première nécessité ainsi que des matériaux stratégiques pour l´industrie vénézuélienne.

Pendant que le gouvernement lutte contre ce pillage économique imposé dans le but de provoquer la faim et le désespoir au sein de la population vénézuélienne, il doit dans le même temps faire face à un embargo financier international décrété par le président des États-Unis, Donald Trump.

Le président du Venezuela, Nicolas Mauro, a récemment dénoncé le fait que plus d´un milliard 650 millions de dollars du Venezuela sont retenus par l´entreprise de services financiers internationaux Euroclear, et ce « dans le cadre de cette guerre non conventionnelle contre la patrie du Libérateur Simon Bolivar ».

Obéissant à l´ordre de Washington, l´entreprise, dont le siège est à Bruxelles, a dans le même temps séquestré des titres de dette récupérés par la nation sud-américaine, puis a gelé la possibilité d´accéder aux bons récupérés par l´entreprise étatique Pétroles du Venezuela S.A. (Pdvsa).

Cette nouvelle attaque financière contre le Venezuela a eu lieu peu de jours après que le pays obtienne la restructuration de sa dette externe avec la Russie, ce qui a permis à Caracas de concréter de nouveaux accords dans le but d´avancer vers la consolidation d´un modèle économique indépendant de la rente pétrolière, contrairement à celui hérité des gouvernements de la Quatrième République.

La renégociation russo-vénézuélienne a dans le même temps représenté une injection économique destinée à garantir la continuité et le perfectionnement des programmes et missions sociales qu´impulse le gouvernement dans le but de protéger le peuple de la guerre économique.

L´agression, dictée et dirigée depuis la Maison Blanche, a également été la réponse à la réussite de la réunion qu´a tenue l´exécutif bolivarien avec ses créanciers et les propriétaires des bons de Pdvsa pour la renégociation de sa dette externe.

Selon Victor Hugo Majano, directeur de La Tabla, une publication digitale spécialisée dans le journalisme d´investigation, cette prise de contrôle des titres et valeurs du Venezuela de la part d´Euroclear fait partie d´une attaque complexe contre l´économie vénézuélienne, dans laquelle est également compris le trafic de la monnaie papier.

Lors d´un entretien exclusif avec Prensa Latina, Majano a ajouté que la retenue des titres et valeurs conventionnels de la dette, ainsi que de la monnaie papier vénézuélienne, fait partie du processus destiné à dépouiller le pays de ses richesses fondamentales, reconnues par la République, et qu´elle a donc lieu dans le cadre d´un complot hégémonique visant à renverser la Révolution Bolivarienne.

Prensa Latina (PL) : Qu´est l´entreprise Euroclear, et comment fonctionne-t-elle envers le Venezuela ?

Victor Hugo Majano (VHM) : Euroclear est l´un des plus importants systèmes de compensation et de liquidation de valeurs financières du monde. Elle a son siège central à Bruxelles, mais des succursales dans de nombreuses places financières importantes comme Paris, Amsterdam, Londres, Stockholm et Helsinki.

Elle gère les registres de propriété des titres de bons et de dette ; elle les surveille ; elle reçoit les paiements des intérêts pour ensuite les redistribuer aux actionnaires et aux propriétaires du titre ; elle s´occupe des ventes, et change les titulaires en cas d´achat. Puis elle tire profit de ce mécanisme.

Ce type d´entreprises sont liées avec de grands blocs financiers au niveau global. Euroclear se consacre surtout au marché européen. Elle contrôle de fait près de 60 pour cent de tous les titres sur la dette externe qui sont gérés sur le vieux continent ; ainsi qu´une grande partie de ceux du Venezuela.

Durant les années 2013-2014, il y a eu, avec l´autorisation d´Euroclear et de d´autres institutions de ce type, une vente de bons et de titres de dette lors de laquelle les biens vénézuéliens ont été offerts à approximativement 60 pour cent de leur valeur,alors qu´ils pouvaient être négociés entre 76 et 78 pour cent de celle-ci.

Vraisemblablement, celui qui avait un besoin immédiat de liquidité pouvait faire l´affaire puis les revendre. Cela impliquait évidemment une dépréciation de la valeur de ces bons et titres de dettes.

PL : Quels ont été les résultats, en faveur ou non, de cette stratégie financière pour le Venezuela ?

VHM : Les propres institutions ont réussi à s´emparer de ces titres et valeurs, mais dans le même temps d´autres ont également terminés dans les mains de leurs propriétaires légitimes comme dans le cas de Pdvsa. Puis certains d´entre eux ont par contre fini dans les mains de celles qui sont connues comme les organisations de type « fonds vautours ».

Lorsque le marché a amené ces titres à une valeur moins importante, le Venezuela en a profité pour racheter et récupérer cette dette, et bien-entendu  suspendre le paiement des intérêts dans le cadre des processus financiers que mènent les pays pour administrer leur politique de dette externe.

Donc, actuellement, une partie de ces titres et de cette argent récupérés par le gouvernement bolivarien est non seulement retenu aux États-Unis et par Euroclear, mais également par DTCC (Depository Trust & Clearing Corporation) qui a suspendu en août la cotisation des bons et les opérations avec ces titres en obéissant aux sanctions illégales imposées par le président Trump.

Bien sûr,  aucune de ces entreprises, qui s´occupent également d´un pourcentage important de la dette des États-Unis et de leurs opérations, ne vont s´exposer à des sanctions du Département du Trésor nord-américain. Elles décident donc d´obtempérer en respectant les instructions du Département d´État étasunien qui sont de suspendre la vente de ces titres.

PL : Quelles sont les conséquences de l´interdiction, dictée par ces mécanismes financiers au Venezuela, de faire des opérations avec ses titres et ses bons ?

VHM : Tout d´abord, l´accès du Venezuela à de nouvelles émissions de crédit pour continuer à acquérir des ressources nécessaires pour sa population est paralysé. Cela empêche également le Venezuela de racheter plus de titres de dette, et de bons de Pdvsa, pour diminuer la dette puis ainsi obtenir la possibilité d´une renégociation amicale.

Mais en plus, le pays ne peut utiliser ces titres comme moyen de paiement pour l´acquisition de médicaments et d´aliments, comme l´a affirmé le président Nicolas Maduro.

C´est un embargo financier. Et les États-Unis, le grand « élément » hégémonique, utilise tout ce pouvoir ; comme il a également pu employer son pouvoir militaire pour imposer au marché des valeurs politiques d´agression contre le Venezuela.

PL : Le peuple n´a pas de titres ni de bons. Comment les vénézuéliens perçoivent-ils cette attaque contre l´économie de leur pays ?

VHM : Par le biais de l´agression à la monnaie papier. Les billets sont accaparés et gardés dans l´expectative de pouvoir, dans un délai de quelques mois ou quelques temps, lorsque la Révolution Bolivarienne sera hypothétiquement renversée, exiger au nouveau gouvernement qu´il reconnaisse la valeur de ce papier à un taux, dont il est probablement présumé, que le marché des devises va récupérer.

La contrebande d´extraction de la monnaie papier a également été employée en Irak, après la première invasion de 1992-1993. Traversant des moments difficiles, puis trop juste pour produire des billets, Sadam Hussein a décidé de retirer de la circulation les dinars fabriqués en Suisse, de meilleure qualité, et de les remplacer par d´autres billets imprimés par une compagnie chinoise.

Plus tard, ceux qui avaient amassé les dinars provenant de Suisse ont créé un marché global et cette monnaie papier a circulé aux États-Unis, en Colombie et dans la dénommée triple frontière de l´Argentine, l´Uruguay et le Paraguay.

Finalement, en 2003, après la seconde invasion qui s´est soldée par le renversement et l´assassinat de Sadam Hussein, le gouvernement intérimaire irakien, dans un pays occupé par les États-Unis, a reconnu ces billets à une valeur cinq fois supérieure à celle d´origine, lorsqu´ils ont été achetés. C´est à dire que les propriétaires des billets accaparés ont reçu des devises pour les dinars provenant de Suisse.

PL : C´est pour cela que l´opposition vénézuélienne et les secteurs d´entreprises les plus traditionnels insistent sur la dollarisation de l´économie ?

VHM : Le plan qu´ils mènent, ils l´ont dit publiquement, est que, si le gouvernement bolivarien tombe, il y aura un apport important au Venezuela de la part des organismes multilatéraux comme le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale, ce qui permettra alors d´acheter l´énorme quantité de billets et de titres vénézuéliens avec des devises.

Les organismes multilatéraux aideront prétendument ainsi le Venezuela ; mais en réalité ces ressources monétaires iront dans les mains de cette bourgeoisie et de ces structures financières mondiales qui sont justement en train de s´emparer des actifs de la République.

À la fin c´est la richesse vénézuélienne qui motive ce mécanisme de prise de possession de ces titres et valeurs. Car le Venezuela possède des ressources naturelles comme le pétrole et des minéraux ;des richesses après lesquelles ils courent.

Et le mécanisme le plus direct pour s´emparer de ces ressources n´est pas une invasion, ni une occupation du territoire ou une prise de contrôle des zones pétrolières ; c´est justement le mécanisme financier qui permet d´en prendre possession, de s´emparer des titres et des valeurs de la République et de les avoir à l´abri.

*Correspondante de Prensa Latina au Venezuela

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