dimanche 6 juillet 2025 |
Prensa Latina - Qui sommes nous

| Contacter avec Prensa Latina

Agence d'information Latino-américaine
Édition française
Search
Close this search box.

Les condamnés de l’Amérique Centrale

4 mai (Prensa Latina)* Personne ne sait exactement pourquoi les civilisations triomphantes qui germèrent dans l’actuelle Amérique Centrale ont succombé jusqu’au point de s’être éteintes dans la mémoire même de leurs descendants actuels.

Ce qui est certain c’est que, de nos jours, ces peuples subsistent dans les conditions socio-économiques et culturelles les plus misérables de la planète. Dans des conditions voire pire que celles des populations les plus  reculées de l’Afrique contemporaine.

Ces terres tropicales, où dans les siècles passées fleurirent d’enviables civilisations, se sont maintenant converties en la zone la plus dangereuse de tout le continent américain, avec des États effondrés, des sociétés en décomposition sociale accélérée et violentes, puis qui, ayant perdu tout sens de la direction, voguent à la dérive. Tout ceci, et plus encore, est le produit de la colonisation permanente et de la dictature interminable de la technocratie.

Le Guatemala-Le Salvador- le Honduras, en raison de leur haute dangerosité et de leur décomposition sociale sanglante, forment ce qu’on appelle “le Triangle de la Mort”.Le Mexique aussi fait partie de cette géographie létale. Et, ces derniers jours, le Cheval de l’Apocalypse latino-américain tente d’incorporer le peuple exceptionnel et courageux du Nicaragua à cette envahissante industrie de la mort.

Dans ce contexte d’anomie existentielle régionale, au Guatemala émergent des propositions de changements structuraux qui défient ce pays, plongé dans l’obscurité,de prendre conscience de sa condition de pays dépouillé afin d’oser aller de l’avant.

Les indigènes et paysans maya, organisées en centaines de communautés de résistance articulées par le mouvement indigène nommé CODECA (Comité pour le Développement Paysan), impulsent, de manière inédite, un processus d’assemblée constituante populaire pour aboutir à une Constitution Politique de l’État Plurinational et Consensuel qu’ils veulent construire.  Le noyau de leurs propositions est la défense et la promotion de la vie, dans ses différentes formes et cohabitations interculturelles, à l’intérieur d’un État Plurinational avec des autonomies territoriales.

Cette proposition, qui a vu  le jour dès 2012, a d’abord été rejetée par les secteurs traditionnels de la droite et de la gauche qui trouvent leur compte dans le régime néolibéral en vigueur. Mais, dans la mesure où le théâtre de la lutte anti-corruption (made in USA) – et son discours de réformes pour un État en faillite- connaissent un échec retentissant, la proposition d’un processus constituant plurinational réveille de plus en plus d’intérêt dans les secteurs urbains et ruraux de la population.

Allant de pair avec la construction grandissante et collective des propositions structurales (c’est-à-dire des propositions de contenus pour la nouvelle Constitution Politique), les communautés en résistance ont réussi à créer leur propre organisation politique nommée le Mouvement pour la Libération des Peuples (MLP) qui a atteint maintenant la dernière phase, celle d’un enregistrement légal.

Cette capacité d’organisation au niveau national, au sujet des propositions du processus constituant plurinational, a déjà été un exploit en soi et un événement tout-à-fait inédit dans ce Guatemala bicentenaire si raciste envers les peuples indigènes; mais la création de leur propre organisation politique par ces communautés en résistance elles-mêmes constitue un fait politique sans précédent dans la région.

Par ignorance ou par mauvaise foi, les générateurs d’opinion publique accusent la CODECA de se transformer en parti politique. Mais les indigènes et les paysans, avec leurs limitations de langage, expliquent à leurs détracteurs qu’ils continueront à être un mouvement social; sauf que, maintenant, ils auront aussi leur propre bras politique pour promouvoir les procédés de révision des contrats de privatisation des services et des entreprises publiques, et accélérer encore davantage le processus constitutionnel qu’ils encouragent déjà à partir des communautés paysannes. Même dans les grandes villes, cette proposition est maintenant présentée et débattue.

Cette incertitude existentielle  qui trouve son origine dans l’immoralité et le manque de gouvernement réel souhaité par l’impérialisme américain omniprésent, ne va pas disparaitre avec une dose supplémentaire d’interventionnisme étranger. Le Guatemala et le Honduras de ces dernières années en sont l’évidence vivante. À chaque année qui passe, ils s’enfoncent davantage dans le gouffre du chaos.

Ces pays, tout comme le reste des pays gouvernés par des dictatures néolibérales, ont un besoin de changements structuraux profonds, tant au niveau institutionnel qu’au niveau des projets de vie individuels de chacun de leurs habitants.

Et dans le Guatemala actuel, cette lumière, vue du champ du Non Être comme dirait Franz Fanon, commence à illuminer le paysage politique. Les condamnés de cette Amérique Centrale millénaire éclairent le chemin qu’il faut suivre pour sortir de ce labyrinthe de la mort. Ils le font infiniment mieux que les prêtres (et les prêtresses) maya endoctrinés dans les académies des ONG, qui, eux, n’ont jamais été capables de surmonter leur individualisme méthodologique et l’illusion de bien-être individuel qu’ils confondent avec la vraie émancipation et le vrai développement.

peo/ag/oit

Par OllantayItzammá*
* Enquêteur, avocat et anthropologue quechua.
Pour “Signatures Choisies” de Prensa Latina.

EN CONTINU
notes connexes