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Mexico, 15 juin (Prensa Latina) Le 1er juillet est tout proche et, ce jour-là, les mexicains éliront, entre autres, leur nouveau président de la République. Le candidat Andres Manuel Lopez Obrador, dont c’est la troisième tentative, semble en bonne place pour remporter ces élections si l’on en croit la confortable avance que lui donnent les sondages.
Depuis le mois de décembre, plusieurs sondages semblent confirmer le décollage de Lopez Obrador par rapport à ses rivaux. Son avance sera difficile à remonter et le Mouvement de Régénération Nationale dont il est le candidat pourrait bien devenir majoritaire dans le prochain Congrès et gagner plusieurs des postes de gouverneurs qui sont à renouveler.
Mais ce ne sont que des prévisions. D’après celles-ci, Ricardo Anaya, que soutiennent le parti Action Nationale (PAN), le parti de la Révolution Démocratique (PRD) et le Mouvement Citoyen occupe la seconde place avec un retard de plus de 10 pour cent.
Anaya a été accusé d’entente illicite et de blanchiment d’argent par le biais d’une entreprise fantôme. Il a même fait l’objet d’un contrôle de la part du Procureur Général de la République qu’il accuse d’être utilisé par le gouvernement pour salir sa réputation et l’empêcher de remporter la présidentielle.
Son alliance avec le modeste PRD et le Mouvement citoyen, qui, à ses dires, pourraient avoir une place dans un gouvernement de coalition, augure de contradictions internes s’il parvenait au pouvoir, surtout s’agissant de la répartition de portefeuilles où le PAN aurait tout à gagner.
Le candidat qui arrive en troisième position, Jose Antonio Meade, est l’actuel premier ministre; il est d’obédience “priitse”, c’est-a-dire qu’il soutient le PRI et qu’il est soutenu par lui, bien qu’il n’en soit pas militant officiel et que sa candidature ait demandé quelques ajustements au parti.
Avec Meade, qui a occupé dans deux administrations différentes les postes de Secrétaire à l’Energie, aux Relations Étrangères , aux Finances et au Développement Social, le PRI a essayé de présenter un candidat libre de toute affaire de corruption et autres maux que l’on attribue d’habitude à la gestion du PRI, tant au niveau des états, pris séparément, qu’au niveau fédéral.
Mais il continue à la traîne dans les sondages, malgré le changement de direction à la tête du PRI qui s’est débarrassé des technocrates pour les remplacer par René Juarez, un politicien chevronné qui a réussi à donner quelques couleurs à la campagne et a mobilisé activement les cadres et les structures d’un parti ayant le record de longévité au pouvoir.
Reste le dernier candidat, Jaime Rodriguez, gouverneur en fonction de l’état de Nuevo León, au nord du pays, qui est entré de manière indépendante dans cette compétition. Le seul gain qu’il pourrait retirer de ces élections est de se faire connaitre dans le reste du pays.
Le Bronco, comme on l’appelle, est constamment en litige avec l’Institut National Électoral qui lui a infligé une amende de 700 mille pesos (environ 35 mille dollars) pour avoir utilisé des moyens illégaux et autres irrégularités afin de faire appel aux dons des sociétés qui soutiennent sa candidature.
Margarita Zavala, autre candidate indépendante, ex-membre du PAN et épouse de l´ancien président Felipe Claderon, est restée sur le bord du chemin car les sondages lui donnaient moins de cinq pour cent. Son soutien à Anaya danse sa lutte contre Morena semble assuré.
Jusqu’à maintenant, les critiques de tous les autres candidats se sont concentrées sur Obrador qui répond avec un discours antisystème et promet de mettre à la porte “la mafia du pouvoir”.
Les attaques entre rivaux prennent plus de place que les propositions, certaines allant jusqu’à l’attribution de cartes bancaires pour les femmes-chef-de-famille, d’autres promettant des maisons de retraites, des voies ferrées, des augmentations de salaire pour les enseignants et les militaires ou des moyens pour combattre, parmi tant d’autres l’insécurité galopante, la corruption et l’impunité.
À ce jour, trois débats entre les candidats ont eu lieu. Lopez Obrador a fait les frais de la plupart des attaques. Mais les sondages ne changent pas et le donnent toujours gagnant malgré le fait que cet originaire du Tabasco ne soit pas le meilleur des orateurs, comme il le reconnait lui-même.
Par contre, voilà deux ans qu’il parcourt le pays en long et en large, qu’il serre la main de ses compatriotes, qu’il visite tous le quartiers et ne refuse aucun débat, ni avec les représentants du pouvoir, ni avec ses rivaux politiques, ni avec les chefs d’entreprise et fait face aux prédictions catastrophiques (sur les performances de son futur gouvernement) que font circuler d’importantes sociétés financières et certains médias internationaux.
Ces derniers jours, il a réussi à faire « la paix » avec les dirigeants de sociétés à qui il a donné l’assurance qu’il n’y aurait pas d’expropriations, mais qu’il exigerait le respect et la révision des contrats afin de traquer tout acte de corruption.
“Si Andres Manuel Lopez Obrador fait le mort jusqu’à l’élection, son avance actuelle lui permettra de l’emporter “. Ce sont les mots de Felipe Gonzalez, l’ancien président du gouvernement espagnol. Il accéda lui-même à son poste un 22 mai.
Cependant, tout n’est pas encore joué dans cette élection mexicaine, qui donnera les noms,le 1 er juillet, du Président de la République, de la totalité des membres du Sénat et de la Chambre des Députés, des parlements de chaque état, de neufs gouverneurs et d’une foule d’autres charges au niveau municipal.
Il ne faut surtout pas sous-estimer l’énorme machine qu’est le PRI. Il a plus d’un tour dans son sac quand il s’agit de répondre aux attaques pour mauvaise utilisation des programmes sociaux et des ressources publiques servant à peser sur le vote dans les banlieues des grandes villes et dans les zones rurales où des millions de personnes vivent dans la pauvreté et dépendent de l’aide du gouvernement.
En ce moment, Morena semble être le parti le plus jeune, celui qui devrait faire le meilleur score dans les urnes, mais pour cela, ce parti devra défendre le vote dans les collèges électoraux, une tâche dans laquelle le PRI et le PAN excellent et dont ils connaissent toutes les ficelles.
La violence est un autre élément qui pourrait influer sur le vote. De septembre à ce jour, une centaine d’hommes et de femmes politiques, candidats et aspirants-candidats, ont été assassinés. Face à ce climat de violence, des dizaines de postulants, y compris à la présidence, ont demandé et obtenu une protection officielle.
De nombreux autres se sont retirés de la course car les assassinats sont maintenant devenus presse hebdomadaires.
Et à mesure que la date de l’élection approche, les décisions des États-Unis font de Lopez Obrador un concurrent crédible capable de l’emporter sur tous les autres, y compris sur le gouvernement de PeñaNieto qui, à l’époque , accueillit le candidat Donald Trump dans sa résidence officielle de Los Pinos, pour être ensuite remercié par des menaces, des déclarations, des twits et autre décisions hostiles du président républicain contre le Mexique.
On pourrait au moins s’attendre à ce que Washington fasse un effort pour, au moins, défendre de manière tacite l’actuel gouvernement quand celui-ci traite Lopez Obrador de “gauchiste” et de “populiste”. Mais cela fait partie des paradoxes de l’actuel occupant de la Maison Blanche.
Dans le même temps, le “Peje”, comme on appelle le candidat de la Morena, caracole en tête des sondages et la question qui se pose maintenant est de savoir si cette troisième tentative sera enfin la bonne”.
* Correspondant et chef de Prensa Latina au Mexique.
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