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Clefs pour comprendre des élections cruciales pour la Turquie

Ankara, 22 juin (Prensa Latina) Les citoyens turcs participeront le 24 juin prochain à des élections générales dans un climat d´incertitude totale, mais dont le résultat, quel qu´il soit, marquera le futur du pays.

Ces élections qui arrivent vont étrenner le nouveau modèle présidentialiste, approuvé lors du référendum du 16 avril 2017 et qui octroie d’amples pouvoirs à l’exécutif au détriment de l’Assemblée Nationale, tout en faisant disparaître la fonction de premier ministre du paysage politique.

En outre, le nombre de députés passera de 550 à 600 et ils pourront décider, à la majorité des trois cinquièmes, si le président en charge peut se représenter pour un troisième mandat, bien que, légalement, il ne puisse le faire que deux fois.

Ainsi, l’actuel président, RecepTayyipErdogan, pourrait toujours être président en 2023, année où le centenaire de la République Turque sera célébré en grande pompe, à condition, bien sûr, qu’il sorte vainqueur des élections et qu’il puisse compter sur un nombre suffisant de députés pour proposer de le maintenir à son poste pour la troisième fois.

La première des clefs pour comprendre l’enjeu est la date même de ces élections présidentielles et législatives, initialement prévues pour novembre 2019, mais, en raison de la crise économique qui secoue le pays, Erdogan a préféré les anticiper afin de freiner la perte de soutien populaire dont souffre le Parti Justice et Développement  (AKP), parti islamiste et conservateur actuellement au gouvernement.

À quoi il faut ajouter que son allié parlementaire, le Parti d’Action Nationaliste (MHP), parti d’extrême droite dirigé par DevletBahceli, a dernièrement  souffert de pertes importantes de sympathisants, une hémorragie qui pourrait s’élever jusqu’à la moitié de son électorat.

Cette anticipation de l’élection tente ainsi de neutraliser la percée d’un nouveau parti nationaliste conservateur, le Bon Parti (IYI), et éviter, autant que possible, sa consolidation et son extension dans de vastes secteurs conservateurs mécontents de l’appui inconditionnel que Bahceli offre à Erdogan.

Tous les sondages s’accordent à dire que la situation économique est devenu la priorité des citoyens turcs. Celui, par exemple, réalisé par l’institut PIAR, selon lequel 65 pour cent des personnes interrogées  pensent que la situation économique évolue « négativement », alors que seulement 20 pour cent sont d’avis que les choses « vont bien ».

Bien qu’en 2017, l’économie turque ait enregistré l’un des taux de croissance les plus élèves au monde, 7,4 pour cent, ce qui est certain est que ce chiffre ne s’est nullement traduit par une amélioration du niveau de vie des familles si l’on tient compte d’une inflation dépassant les 11 pour cent pour les douze derniers mois et d’une augmentation de 16 pour cent des prix à la production; sans oublier le chômage, qui atteint 10 pour cent.

Les causes de la situation sont la chute de la livre turque -qui a perdu plus de 20 pour cent de sa valeur en 2018- et des taux d’intérêt artificiellement bas qui n’ont fait que grossir la bulle immobilière, l’une des principales raisons de ce soi-disant miracle économique.

En contrepartie, le niveau d’auto-endettement a explosé pour les entreprises devant importer pour produire ou qui dépendent de financements étrangers; à quoi il faut ajouter l’augmentation de la facture énergétique, tant à cause de la dévaluation de la lire qu’à cause de l’augmentation globale du prix du pétrole, le tout entraînant des prix à la hausse non seulement pour les produits, mais aussi pour les services.

Une autre des clefs des élections de dimanche prochain réside dans la création de coalitions électorales pour tirer parti des nouvelles règles, le but réellement cherché étant de garantir au MHP l’accès au parlement au cas où il n’atteindrait pas le seuil légal de 10 pour cent des votes dans l’ensemble du pays.

Pour éviter cette situation, l’AKP et le MHP ont formé l’Alliance Populaire. Mais l’opposition s’est également prêtée à cette tactique et, à la suite de l’annonce d’élections anticipées, trois formations, le Parti Républicain du Peuple (CHP), IYI et le Parti de la Félicité (SP) ont annoncé la création de l’Alliance Nationale.

Seules trois formations restent à l’extérieur de ces deux groupes: le Parti Démocratique des Peuples (HDP), à ce jour la troisième force politique à l’Assemblée Nationale (et dont fait partie la gauche pro-kurde), le Parti Patrie et le Parti Cause Libre (HÜDA).

Ces partis ne prennent pas tous part aux élections présidentielles. L’Alliance Populaire, quant à elle, présente uniquement Erdogan, alors que les candidats du CHP, IYI et SP sont en concurrence pour le premier tout et soutiendront le candidat de leur coalition qui arrivera en tête au second tour, si second tour il y a. HÜDA ne présente personne.

Les différents sondages durant la campagne électorale n’ont pas donné de résultats concluants, si ce n’est une tendance à la baisse pour le groupe AKP et MHP, dont la somme des résultats en 2015 atteignait presque  62 pour cent alors qu’elle pourrait bien n’être que de 45 à 49 pour cent aujourd’hui.

Un résultat insuffisant pour permettre le passage d’Erdogan dès le premier tour, car il aura besoin de plus de la moitié des votants  pour ce faire, tout comme pour pouvoir compter avec une majorité dans la nouvelle législature.

Du côté de l’opposition, le candidat le mieux placé est MuharremInce (CHP), dont l’ascension a été constante tout au long de la campagne et à qui les sondages accordent un soutien de 30 pour cent, tandis que ses collègues et rivaux de la coalition, MeralAksener (IYI) et TemelKaramollaoglu (SP) obtiendraient respectivement  10 et 15 pour cent.

Si l’on ne tient pas compte de Patrie et HÜDA, qui ont peu de chance d’entrer au parlement et ne présentent pas de candidats à la présidentielle, le HDP est le parti clef pour ces élections car son accès à l’Assemblée Nationale, que tous les sondages donnent comme assuré, priverait l’Alliance Populaire de la majorité absolue qu’elle voudrait absolument obtenir.

En ce qui concerne la présidentielle, le dirigeant du HDP, SelahattinDemirtas, incarcéré depuis novembre 2016 et privé de ses droits civiques (bien qu’aucune peine n’ait été prise à son encontre) a été quand même en mesure de développer une intense campagne depuis sa prison et a réussi à mobiliser des millions de personnes dans tout le pays à l’aide des réseaux sociaux.

Comme il semble impossible que Demirtas puisse atteindre le second tout, les dirigeants du HDP ont dernièrement annoncé officiellement que leur voix iront au candidat de l’opposition, ce qui pourrait réserver bien des surprises lorsqu’on dépouillera les suffrages pour les présidentielles.

Après avoir passé 16 années au pouvoir et avoir gouverné avec de confortables majorités, Erdogan doit maintenant faire face à ce qui ressemble davantage à un plébiscite qu’à une élection, car, s’il n’obtient pas une victoire claire et nette le 24  juin, ses chances se réduiront de manière alarmante pour le second tour, prévu pour le 8 juillet où tous les partis de l’opposition s’uniront contre lui.

peo/arb/ax

* Correspondant de PrensaKatina pour la Turquie.

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