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Journalisme: Silence complice

Par Manuel Cabieses Donoso *

Santiago du Chili, 14 août (Prensa Latina) Pour ceux qui ne connaissent pas la triste réalité que vit le journalisme latino-américain, le silence des médias au sujet de l´attentat terroriste qui a eu lieu à Caracas doit être surprenant.

Le 7 août, CNN en espagnol a interrompu la transmission du discours du président Nicolas Maduro lorsque celui-ci a commencé à rendre public des vidéos, des enregistrements téléphoniques, des photos, des confessions, les noms des personnes détenues et des fugitifs, etc. CNN donnait ainsi la règle et le modèle qu´observent les médias du continent.

Le journal El Mercurio de Chile, qui habituellement ne manque pas d´espace pour attaquer le Venezuela, n´a publié à ce sujet qu´un petit paragraphe dans l´une de ses colonnes. Les médias qui jusqu´à l´heure exigeaient des preuves quant à l´attentat, qu´il qualifient toujours de « prétendu attentat », ignorent maintenant les révélations présentées par Maduro.

Cependant, l´enquête que mène le Ministère Public du Venezuela permet de découvrir des éléments qui sont ce que l´on pourrait appeler « un plat fort » d´un journalisme qui se respecte. Il s´agit même d´un apéritif appétissant pour la littérature et le cinéma.

Mais cela est tombé dans un silence qui résulte honteux pour la profession du journalisme. Les terroristes détenus et à disposition des tribunaux impliquent des gouvernements, des partis politiques et des conspirateurs de tout type.

Les autorités vénézuéliennes ont demandé au gouvernement nord-américain l´extradition d´Osman Delgado Tabosky, qui a financé et « piloté », depuis Miami, les drones chargés de C4, un explosif plastique que les armées utilisent lors de démolitions de fortifications.

Selon les déclarations de Maduro, des démarches ont également débuté pour extrader des personnes impliquées qui se réfugient en Colombie, territoire duquel l´attentat a été préparé, et soutenues par l´ex-président Juan Manuel Santos, Prix Nobel de la Paix, et en poste jusqu´au 7 août dernier.

Ce qu´il s´est passé n´a comme précédent au Venezuela que l´attentat à la voiture piégée contre le président Romulo Betancourt en juin de 1960. Il avait été effectué par des tueurs à gages du dictateur dominicain Rafael Leonidas Trujillo.

Lors de cet attentat, le président Betancourt avait été gravement brûlé aux mains et au visage, puis le chef de la Casa Militar était décédé.

Cette fois-ci, il a non seulement été tenté d´assassiner le président de la République, mais également toutes les autorités civiles et militaires qui l´accompagnaient sur la tribune, les ambassadeurs présents, les parents des soldats de la Garde Nationale Bolivarienne, ainsi que des spectateurs du défilé militaire.

S´il avait été réussi, cet attentat aurait provoqué un bouleversement social et politique dont les dimensions sont inimaginables.

Le silence des médias latino-américains face aux évidences présentées par le gouvernement vénézuélien constitue une honte pour ce que Gabriel Garcia Marquez a défini comme « le plus beau métier du monde ».

Cependant, les responsables ne sont pas les journalistes sinon ceux qui ont prostitué la noble nature du journalisme: les maîtres et propriétaires de la presse. Les entrepreneurs de « l´industrie » de l´information ont converti les médias en instruments de la désinformation et de l´ignorance dont souffrent nos peuples.

La fonction sociale du journalisme a été supplantée par les intérêts de ceux qui manipulent de l´ombre les médias. Cette réelle dictature médiatique est le fer de lance idéologique de conglomérats financiers.

Elle est destinée à façonner les consciences et les soumettre à la pensée hégémonique du capitalisme. Les journalistes, en définitif, sont des travailleurs salariés des entreprises au sein desquelles règnent les lois de fer de la propriété privée.

Les maîtres de la presse sont craints et révérés par les personnages politiques et les gouvernements. La Société Interaméricaine de la Presse (SIP), qui les regroupe, a été créée durant la guerre froide. Elle représente plus de 1300 publications qui éditent 43 millions d´exemplaires papiers et contrôlent de nombreux journaux sur internet.

Le dénominateur commun de la SIP est l´anticommunisme, puis elle travaille en étroite collaboration avec les services de renseignement nord-américain.

Les 11 quotidiens les plus vendus en Amérique Latine s´articulent également au sein du Groupe de Quotidiens Amérique (GDA). Ses membres sont en autres El Mercurio de Chile (qui est en réalité une chaîne de 24 quotidiens), O Globo de Brasil, La Nacion de Argentina, El Universal de Mexico, El Nacional de Venezuela, etc.

Se sont des groupes qui contrôlent des quotidiens, des revues, des chaînes de télévision, des radios, des journaux électroniques, etc.

Lors du gouvernement du président Hugo Chavez, le GDA s´est mis d´accord pour destiner quotidiennement une page de ses publications pour calomnier la Révolution Bolivarienne. Il se joignait ainsi à la campagne de Washington, laquelle cherche depuis près de deux décennies à déstabiliser le gouvernement vénézuélien.

Le blocage actuellement effectué contre la diffusion d´éléments concernant l´enquête sur ce terrorisme au Venezuela est un attentat au droit des peuples à l´information, mais il constitue également un affront au journalisme et son code éthique qui rejette toute forme de censure et défend le droit à informer et être informé.

À l´exception de l´honorable Fédération Latino-Américaine de Journalistes (Felap), qui a condamné l´attentat de Caracas, les organisations professionnelles de journalistes gardent un silence honteux.

Elles ont le devoir de dénoncer la censure des entreprises. Aux côtés d´étudiants et d´académiciens universitaires, nous, les journalistes, nous devrions convoquer des assemblées pour discuter de la pénible et embarrassante situation d´un journalisme soumis à la dictature des maîtres de la presse.

Dans ce cas précis, le silence représente une complicité avec le terrorisme. Savoir qui impose cette censure doit être clair pour tous.
   
*Écrivain et journaliste chilien, directeur de Punto Final.

peo/arb/Ft/mcd

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