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L’Afrique est ses conflits internes: une plaie qui ne guérit pas

Par Richard Ruíz Julién
 
Addis Abeba, 17 août (Prensa Latina) Les conflits politiques que vivent les peuples d’Afrique, le troisième plus grand continent de la planète, intéressent peu – ou pas du tout – ses anciens colonisateurs. La seule chose qui intéresse ces derniers, estiment aujourd’hui les spécialistes, est que leurs anciens esclaves ne débarquent sur leurs côtes.

Les analystes de la situation, réunis au siège de l’Union Africaine (UA) pour la 78ème session du Conseil pour la Paix et la Sécurité en Afrique, ont condamné le silence qui entoure tout ce qui se passe dans cette partie du monde.

Ils ont rappelé que des millions de personnes fuient les turbulences internes dont sont victimes leur pays, les maladies comme l´Ebola, la sécheresse qui rend les terres improductives, la faim qui assaille plus de 200 millions d’habitants.

« Il semblerait que le monde tourne le dos et préfère fermer les yeux sur ce qu’il se passe ici. En cette époque où les informations se répandent avec une célérité qui n’arrête pas de nous étonner, les crises africaines demeurent invisibles, bien qu’elles  mettent en danger la vie de tant d’êtres humains », a déclaré à Prensa Latina Yosek Ketema, chercheur au Centre d’Études Stratégiques.

Dans ce contexte, l’UA  a fixé 2020 comme date limite pour que les armes se taisent sur le continent et que, grâce à cette absence de guerre, l’Afrique puisse enfin  connaitre la sécurité, la paix et la prospérité.

Cependant, les spécialistes estiment que les défis que rencontre le continent africain sont souvent invisibles et que ceci entraîne une inaction parfois plus dangereuse que les défis eux-mêmes.

La République Démocratique du Congo (RDC), par exemple, n’est un géant que si l’on considère la surface de son territoire, car elle est soumise depuis longtemps à un pillage systématique de ses richesses, explique Mengsietab Teshome, professeur de Relations Internationales à l’université d’Addis Abeba.

Le 2 avril 1998, un conflit a éclaté dans le centre de l’Afrique. Son ampleur lui a valu le nom de  » Ière Guerre Mondiale Africaine » et aussi, de manière plus générale, celui de IIème Guerre du Congo, rappelle le professeur Teshome.

Tout ceci a provoqué le déplacement de plus de cinq millions de personnes à l’intérieur de la RDC qui ont fui le plus loin possible sans pouvoir échapper au choléra qui les poursuit où qu´ils aillent.

Le pays est riche et pauvre à la fois; il regorge de ressources naturelles mais leur exploitation se retourne contre l’intérêt de ses habitants, même si certains secteurs  de la population en tirent bénéfice, assurent les observateurs.

Une stabilité fragile du pays qui est une aubaine pour le pillage étranger de ces ressources comme les diamants, l’or et du coltan.

Pendant ce temps, en 2014,  63 pour cent de sa population de 83 millions d’habitants vivait au-dessous du seuil de pauvreté et l’inflation dépassait les 41,7 pour cent, l’une des plus inquiétantes de la planète selon les Nations Unies.

Cette ancienne colonie belge figure parmi les pays ayant le plus bas Indice de Développement Humain de la terre.

« Comme si des millions de morts et un exode massif ne suffisaient pas, une fois la guerre terminée, la région orientale de la RDPC s’est trouvée sous l’emprise de groupes rebelles qui n’ont pas accepté le gouvernement central, et ce même après une paix formelle », fait remarquer le vice-président de la Commission de l’UA, Kwese Quartey.

« L´emploi d´enfants-soldats a été une constante des deux côtés, atteignant jusqu’à plus de 30 mille au pire moment du conflit, puis les femmes ont également souffert », a pour sa part assuré Amira El Fadil, la commissaire aux Affaires Sociales  de l’UA.

L’une des conséquences de cette guerre est que l’État a mérité le nom de « capitale mondiale du viol », une situation désastreuse qui n’est pas prête de terminer, pensent les spécialistes.

En un seul semestre de l’année 2016, dans la zone orientale, 12 mille femmes et fillettes ont subi cet outrage, ce qui revient à près de 70 viols par jour. Cette « guerre mondiale » a engendré  la plus grande mission de paix de l’histoire, et la plus inefficace, qui est encore suspendue au-dessus de la tête de l’UA comme une épée de Damoclés, estime le professeur Ketema.

En résumé, ces conséquences de la guerre, et d’autres, ont été payées par la population civile, victime d’une ambition sans bornes qui s’est traduite, par exemple, par l’extraction, de 1998 à 2002, de 4 millions de kilos de coltan, d’une valeur de 684 millions euros, d’après l’ONU.

Dans de nombreux autres endroits également la guerre civile fait ravage, comme au Soudan du Sud depuis 2013. Là aussi, plus de 2 millions de personnes ont dû fuir leur foyer.

Un autre exemple donné par le professeur Teshome est celui de la population de la République Centre-Africaine qui est prise depuis environ 16 ans entre les tenailles des rebelles, d’un côté, et de l’Armée gouvernementale, de l’autre.

« Au Burundi des milliers de personnes ont fui pour la Tanzanie, où les attendait le choléra sur le fleuve Tanganyika: une autre bataille à mener. Ce ne sont que quelques un des conflits que vit l’Afrique et qui se heurtent au silence presque complet de la presse et des médias internationaux », a-t-il ajouté.
 
Pour les chercheurs réunis lors de cette rencontre de l’UA, la communauté internationale cherche uniquement à ce que ces personnes déplacées ne prennent pas le risque de traverser la mer dans des embarcations de pacotille pour atteindre ses plages, morts ou vifs.

Selon les chercheurs réunis à Addis Abeba, la seule forme de mettre un terme à cette migration est d´aider ces territoires à sortir de leur pauvreté et leur permettre d’améliorer l’éducation et à transcender les différences internes qui les déchirent.

peo/rgh/rrj

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