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Afrique-Europe: inquiétude au sujet des prévisions migratoires sub-sahariennes

Par Julio Morejon *    

La Havane, 19 septembre (Prensa Latina) Les prévisions statistiques du Haut Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés (Acnur) pour 2018 n’écartent pas une possible augmentation des flux migratoires en provenance de l’Afrique subsaharienne vers l’Europe.

Ces prévisions s’accompagnent d’une seconde crainte, imprévisible et regrettable, celle-là: l´augmentation du nombre de personnes qui trouveront la mort en essayant de parvenir sur les côtes du Vieux Continent après de dangereuses traversées de la Méditerranée sur des embarcations fragiles affrétées par des trafiquants d’êtres humains.

Les sources officielles mettent chaque fois plus d’emphase sur ce second point, car, en fait, cette traite constitue un délit majeur et une violation évidente des Droits dus à tout être humain, si l’on s’en tient aux conventions servant de base légale pour la cohabitation internationale.

On calcule que , chaque année, 12 millions de migrants, parmi lesquels on compte 7 millions d’enfants, traversent la frontière au sud du Sahara (occidental et central) pour essayer de trouver une meilleure vie, économiquement et socialement parlant, bien que 75 pour cent d’entre eux ne quittent jamais l’Afrique. Seuls 25 pour cent, donc, tentent le traversée  vers l’Europe.

 » Près de 41 millions de personnes ont été comptabilisées comme des  migrants internationaux se déplaçant à  l’intérieur même de l’Afrique, selon une étude de 2018 fournie par la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (Unctad) présentée à Addis Abeba, la capitale de l’Éthiopie », a souligné l’agence de presse Anadolu.

Ces migrations dans le sens sud-nord, sont liées à des problèmes de sécurité, en général, ou à des difficultés d’emploi. Elles accentuent d’autres contradictions socio-psychologiques déjà existantes entre les pays émetteurs de migrants et les pays récepteurs et tout ceci engendre des actes de xénophobie en Europe.

L’angoisse persiste d’une possible explosion de l’immigration, d’autant plus que l’étude sur les Tendances Globales de l’Acnur (2017)) a indiqué, qu’en moyenne, dans les pays en développement, une personne se déplace toutes les deux secondes, entre autres, à cause des guerres.

Les séquelles de la violence au sud du Sahara sont évidentes sur des scènes comme le Sud-Soudan et le Nigéria; le premier souffrant d’une lutte intense pour le pouvoir entre les anciens alliés de la guérilla menée contre le gouvernement de Khartoum (1983-2005) et qui, deux années après avoir obtenu la construction d’un État, se sont lancés dans une lutte interne sanglante (2013).

Il est vrai que ce conflit sur le territoire du Sud-Soudan est récemment entré dans une phase de négociations -depuis le mois de juillet de cette année-, mais on estime qu’il a causé plus de 50 mille morts et a forcé presque un habitant sur trois à abandonner son foyer; 2,1 millions de personnes ont même dû quitter  leur pays. Ces affrontements sont dus à la lutte pour le pouvoir entre les élites des deux communautés principales du Sud-Soudan, les dinka et les nuers.

Au Nigéria, la situation est différente et complexe; ce qui est à la racine des flux migratoires est la lutte que mène le pouvoir central contre la secte Boko-Haram, cette lutte étant devenue au fil des ans une affaire de sûreté de l’État.

Boko Haram est apparu en 2002 au nord du Nigéria, dans un territoire principalement peuplé de musulmans, mais, depuis 2009, l’agressivité de ce groupe s’est accentuée et a débordé les frontières pour s’étendre jusqu’aux autres pays bordant le lac Tchad. Boko Haram a déjà assassiné plus de 20 mille personnes et a forcé 2,5 millions d’habitants de la région à se déplacer.

Ces deux exemples cités ne sont pas les seuls à l’origine des flux migratoires vers le nord; il y a aussi le conflit en Somalie, la tension aux frontières de la République Démocratique du Congo, la violence en Centrafrique, à quoi il faut ajouter la persistante menace intégriste dans la région du Sahel. Tous ces facteurs pourraient causer une fuite rapide et massive dans de nombreux africains.

Mais ce n’est pas tout. Certains commencent à croire sérieusement que ces avalanches migratoires vers l’Europe font peut-être parti d’une conspiration organisée par les extrémistes de l’ « État Islamique » qui, associés à d’autres factions africaines pourraient utiliser le chaos migratoire pour nuire à l’Europe déjà très méfiante à ce sujet.

Davis Beasley, directeur exécutif du Programme Mondial d’Alimentation des Nations Unies (PMA), a affirmé au quotidien britannique The Guardian que ces terroristes « continuent  à s’ingérer dans les affaires des pays africains afin de maintenir une déstabilisation qui entraînera une nouvelle vague migratoire leur permettant de pénétrer eux-mêmes en Europe  et d’y semer le chaos ».

« Cette vague migratoire partirait du Sahel, la région d’Afrique se trouvant au sud du Sahara, où Boko Haram et d’autres groupes maintiennent une forte présence et ont le pouvoir de déstabiliser plusieurs pays. Et la destination de cette émigration serait, une fois de plus, l’Europe », selon le site digital infobae.com.

Ainsi donc, on commence à s’apercevoir que ces flux migratoires sont des problèmes ayant un facteur commun: le sous-développement des pays du sud, et que la solution doit être globale, les pays émetteurs d’immigrants et les pays récepteurs y trouvant tous deux  leur compte. Il s’agit là d’un défi aux facteurs multiples et la situation actuelle est cruciale.

En 2015, lors d’une réunion à Malte, un État insulaire de la Méditerranée se trouvant à la croisée des chemins de l’immigration vers le Vieux Continent, on s’est définitivement rendu compte que le manque d’opportunité dans les pays pauvres, et particulièrement en Afrique, est source de grands exodes et, qu’en conséquence, l’insécurité continuerait à augmenter.

« Les causes de ce type de migration sont liées à la pauvreté et au manque d’opportunités offertes par ces pays à leurs citoyens (…) tout comme à une volonté de fuir certains régimes politiques, des guerres civiles, la famine ou l’échec d’États tels le Sud-Soudan, la Somalie ou le Nigeria »,  résume le quotidien équatorien El Universo.

De tout ceci, il résulte qu’un renversement de cette situation catastrophique nécessiterait non des mesures coercitives mais des actions de régulation intelligentes et constructives qui – semble-t-il – n’ont pas encore vu le jour dans l’esprit des personnes en charge des politiques multilatérales, ce qui, évidemment, demanderait que l’imagination collective  remplace l’image de « l’ennemi venu du sud » par une volonté de traiter cette affaire de manière constructive.

Le contexte actuel exige des actions fermes allant au-delà des schémas établis et détruisant totalement l’habitude néocoloniale de l’exclusion. Ce n’est qu’alors qu’il sera possible de progresser de manière naturelle et de commencer à réduire le nombre de patères traversant la Méditerranée et la tragédie de la migration subsaharienne.

« Nous sommes à la croisée des chemins. Si nous désirons que la gestion des déplacements dans le monde soit un succès, nous devons aborder le problème de manière beaucoup plus globale; nous ne devons pas laisser les pays et les communautés seuls devant cette situation », a déclaré Filippo Grandi, le Haut Commissaire pour les Réfugiés  des Nations Unies.

Il est essentiel de passer à un concept international  de ce problème afin de pouvoir affronter les défis posés par la migration sans déshonorer ou détruire le migrant lui-même qui, en général, n’est qu’une victime de la chaîne des causes-conséquences. Les solutions proposées de nos jours laissent encore énormément à désirer.

Quoiqu’il en soit, Masood Ahmed et Kate Gough, du Centre pour le Développement Global, affirment que « les effets combinés de la démographie et de l’économie ne peuvent qu’entraîner une augmentation des flux migratoires entre l’Afrique et l’Europe pendant les décennies à venir ».

* Journaliste de la rédaction Afrique et Moyen-Orient de Prensa Latina

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