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Buenos Aires, 25 octobre (Prensa Latina) La journée a été longue et tendue, marquée par d’importantes convulsions sociales à Buenos Aires, où se déroulent aujourd’hui les débats sur le très controversé Budget 2019, débats qui ont donné lieu à des manifestations violemment réprimées comme toile de fond.
Pendant plus de 12 longues heures, les députés de la Chambre Basse ont posé des questions aux membres du gouvernement, au milieu des cris et parfois presque des empoignades, le vote définitif ne devant avoir lieu que plus tard, jeudi, vers 8 heures du matin très probablement.
Alors que plusieurs députés de l’opposition qualifiaient d’absurde les mesures d’ajustement proposées pour le Budget, les partisans de la ligne officielle défendaient une initiative qui, d’après eux, cherche à réduire le déficit fiscal du pays et l’amener à zéro.
Sur la Place des deux Congrès on peut encore constater les traces des affrontements qui ont eu lieu pendant que les députés commençaient à débattre à l’intérieur de la Chambre. Une mer de gens, parmi eux des jeunes, des enfants et des travailleurs étaient sortis pour montrer leur désapprobation au vote du Budget, mais les choses sont devenues violentes lorsque des groupes infiltrés ont commencé à jeter des pierres et des bâtons sur les forces de sécurité qui ont répliqué sauvagement.
Grâce à leurs balles de caoutchouc, leurs canons à eau et leurs matraques, les policiers ont réduit la foule au silence, laissant même derrière eux plusieurs journalistes blessés dans l’exercice de leur métier. Pour le moment, on compte déjà trois personnes blessées et 27 interpellations.
Un calme lourd s’est abattu à la suite de ces incidents, pendant que les débats se poursuivaient tard dans la nuit dans la Chambres des Députés et qu’une foule de gens, parmi lesquels la représentante sociale des Mères de la Place de Mai, Nora Cortiñas, s’amassait devant le commissariat 43 du quartier de la Floresta pour demander la libération des prisonniers.
La veille, Nora Cortiñas avait déjà demandé aux manifestants de poursuivre leurs protestations « avec la même vigueur, car ils étaient un exemple pour la nation » et ils devaient tous « continuer à manifester, jusqu’à ce que tous les membres du collectif ÂiTodos soient dans la rue ».
Au milieu de la crise économique que vit le pays, crise causée par des facteurs intérieurs et extérieurs ainsi que par la hausse fulgurante du dollar américain ayant entraîné une forte dévaluation de la monnaie nationale et l’explosion du taux d’inflation, le Gouvernement a proposé de réduire à zéro le déficit fiscal dès cette année ce qui a eu pour conséquence une baisse de l’économie de 0,5 pour cent, un taux de change du dollar à 40,10 et une baisse de 9,7 pour cent des investissements.
Cette réduction du déficit fiscal est l’un des engagements pris par Mauricio Macri pour obtenir le prêt de 57 milliards de dollars que le Fond Monétaire International (FMI) se dit prêt à accorder à l’Argentine et qui sera, en principe, officialisé dès vendredi prochain.
L’Argentine avait tout d’abord demandé une aide de 50 milliards de dollars, dont le FMI en avait déjà versé 15, mais par la suite, et après maintes négociations, 7 milliards supplémentaires ont été ajoutés à cette aide à condition que l’Argentine s’astreignent à plusieurs conditions, la réduction du déficit fiscal étant l’une d’elles.
« Le problème est que chaque fois que vous votez des lois qui engendrent la faim, il vous faut aussi des balles et des gaz lacrymogènes. Ce Budget favorise seulement les banques! », a crié de son siège la députée de l’opposition Victoria Donda qui est rentrée dans l’hémicycle portant une photo gigantesque de la directrice du FMI, Christine Lagarde, entourée de la bande présidentielle du Gouvernement argentin.
« J’ai amené cette photo », a-t-elle déclaré, » parce que nous croyons que Christine Lagarde est le véritable auteur du Budget dont nous débattons. C’est le Fond Monétaire International qui a rédigé ce Budget », a-t-elle insisté. Et d’autres parlementaires de l’opposition se sont joints à elles pour protester contre les mesures proposées.
« Aucun député, de quelque bord qu’il soit, ne connaît le contenu exact de l’accord passé avec le FMI et sur lequel est basé ce Budget. Nous sommes en train de discuter d’un budget qui nous est parvenu rédigé en anglais », a déclaré Hugo Yasky, du parti Union Citoyenne.
De même, l’ancien ministre de l’Economie et actuel député Axel Kicillof a affirmé que » ce budget est un budget d’austérité extrême. Il s’agit d’une mesure antipolitique; vous êtes en train d’écarter l’État de l’endroit où sa présence serait la plus nécessaire ».
Dans un entretien avec Prensa Latina, le secrétaire des droits de l’Homme de la CTEP (Confédération des Travailleurs de l’Économie Populaire), Lito Borello, considère que ce Budget a été taillé sur mesure par le FMI pour les riches, pour favoriser les intérêts des plus puissants.
Le résultat est qu’il y a maintenant en Argentine une démocratie de la rue face à des institutions qui se meurent. Le peuple de la rue dit fermement « Non! » à ce budget colonial et, conclut Borello, nous allons continuer à résister.
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