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Ciego de Ávila, Cuba, 13 novembre (Prensa Latina)Majagua, une municipalité située au centre de la province de Ciego de Ávila, s’habillera aujourd’hui de rouge et de bleu, comme tous les mois de novembre, pour célébrer la fête champêtre la plus représentative de la culture cubaine.
Les habitants de la localité, divisés en deux quartiers, l’un habillé de Rouge, l’autre de Bleu, se rencontrent pour donner vie à un grand festival destiné à célébrer les danses, la musique et les coutumes de la vie champêtre.
Lancés dans un combat symbolique, les deux clans s’affrontent en un spectacle captivant qui montre le meilleur du folklore des “guajiros” (paysans) cubains, que ce soit en matière de danse, de musique, de fête, de joute et de littérature orales.
Tout au long de ce festival, on peut assister à des jeux de balle, à des discussions animées entre paysans et à des rencontres entre amateurs et pratiquants de la “décima” (versification orale sur un thème libre ou donné) ou du “tres ”, une guitare typique de Cuba.
Sans oublier les moments de ce festival où des cultivateurs venus de plusieurs provinces de Cuba montrent leur art de savoir “faire la fête”.
Dans le groupe Rouge et dans le groupe Bleu, une grande et svelte jeune fille à la longue chevelure noire, vêtue du drapeau national, symbolise Cuba et les valeurs de la société cubaine; alors qu’un jeune homme portant la “guayabera” (ample chemise à plis et boutons originaire de la ville de Sancti Spiritu) et coiffé d’un chapeau de paille tressée représente Liborio, symbole du peuple prêt à prendre les armes pour défendre la patrie.
Hommes et femmes des deux camps font montre de leur savoir-faire aux claquettes, chaque groupe mettant en valeur ses propres particularités, et, camp Rouge et camp Bleu, rivalisent dans l’interprétation de rythmes connus comme “La Karinga”, « El Zumbatorio”, “El Gavilán”, “La Chimosa”,”La polka y el Papalote”, “Anda Pepe” et “Doña Joaquina”.
Depuis 1963, le « Festival de la Fête”, proprement dit, possède une autre caractéristique: le poète n’improvise pas la “décima”, celle-ci est un poème écrit à l’avance dans lequel se mélangent les rythmes de Camaguey et Sancti Spiritu; l’art des participants à cette joute chantée consistant à faire coïncider la “décima” au rythme de la musique proposée.
Les groupes de chanteurs sont accompagnés de plusieurs instruments comme le “tres” (guitare avec trois paires de cordes), les “claves” (instrument de percussion consistant en deux baguettes de bois dur), les “maracas” (instrument de percussion composé d’une paire de coques contenant des corps durs), le “guiro” ( sorte de racloir sur lequel on frotte une baguette), la “marimbola” (instrument à lames semblable à la “sanza” africaine), les bongos, l’accordéon et la typique machette, c’est-à-dire tous les instruments qui donnent ce son si caractéristique à la musique paysanne cubaine.
Ces fêtes de Majagua sont préparées dans le secret et, selon leur couleur, les équipes parcourent telle ou telle partie de la campagne à la recherche des vieilles coutumes parfois en voie de disparition pour les mettre en scène pendant la semaine culturelle afin de les préserver et de les porter à la connaissance des nouvelles générations.
Durant cette semaine culturelle, chaque famille de Majagua, chaque maison, affiche sa couleur préférée sur des banderoles, des ballons ou des rubans de chapeau.
Les façades sont décorées de rouge ou de bleu, même si tous les habitants de la maison n’ont pas fait un choix identique.
Ces festivités remontent aux années 20, lorsque les gens de la classe aisées se réunissaient le dimanche pour assister à un match de baseball entre une équipe “Rouge” et une équipe “Bleue”.
Des années plus tard, Pedro Garcìa, un habitant de Majagua qui aimait faire la fête, prit l’initiative de créer deux groupes en ville afin d’organiser des bals et, peu à peu, chaque habitant s’identifia à l’un des deux groupes.
Ces fêtes de Majagua ont également une autre spécificité: elles incluent les coutumes et les tenues vestimentaires des immigrants chinois et de ceux venus des Îles Canaries. Ces deux traditions si différentes se sont intégrées à celles de paysans originaires de la région et ont donné un “son” très particulier et distinctif à la musique que l’on pratique dans cette région de Cuba.
Au début, seules les personnes ayant un certain standing social assistaient à ces réjouissances; les femmes avec leur longue robe et leurs fleurs dans les cheveux, leurs colliers et leurs bracelets aux motifs de plantes sauvages; les hommes habillés de leur “guayabera”, portant bottes de cuir, chapeau de paille tressée, la machette à la ceinture et le foulard noué autour du cou.
Après une longue éclipse, en 1966, ÀngelMoràn, jeune professeur d’art frais émoulu, proposa de sauvegarder les danses et la musique des paysans et créa l’Ensemble Artistique du XXème Anniversaire qui organisait ces festivités maintenant devenues si populaires.
Aujourd’hui, durant cette semaine culturelle, dans chaque maison on reprend les thèmes de la vie à la ferme: porcelet à la broche, combats de coqs, chevaux, tabourets à la place de chaises, mortier et pilon ainsi que tous les autres attributs de la vie à la campagne de Cuba.
Don Pepe, le membre principal du quartier Bleu, est un paysan jovial, plein d’humour et bon danseur; tandis que Doña Joaquina, la Dame du quartier Rouge est une femme généreuse qui a un sens excellent de la fête.
Ces deux personnages s’affrontent et rivalisent en une compétition fraternelle, dans les domaines de la musique, de la danse et, au fil des ans, ce festival est aussi devenu un moyen pour sauvegarder les éléments folkloriques de la région.
Aujourd’hui, ce festival est devenu la fête populaire champêtre la plus prestigieuse de l’île, sans oublier le côté compétitif de l’événement car un prestigieux jury évalue et choisit chaque année le meilleur des deux camps.
La ville de Majagua, à quelques 30 kilomètres à l’ouest de Ciego de Àvila, a été rendue célèbre par ces joutes entre les quartiers Rouge et Bleu qui, chaque année, mettent en scène la vie, les coutumes, les danses et les chants autochtones de la campagne cubaine.
peo/arb/nmt
*Correspondante de Prensa Latina à Ciegode Àvila.