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Le Moyen Orient et ses loyautés changeantes

Par Susana Alfonso Tamayo*

Doha, 10 juin (Prensa Latina) Ces derniers temps, le conflit États-Unis – Iran et ses conséquences pour la stabilité du Moyen Orient ont accaparé l’attention et réveillé des inquiétudes ici et dans le reste de la planète.

La crise, qui a suivi une courbe ascendante depuis que l’administration Trump a abandonné l’accord nucléaire avec Téhéran, a atteint son point culminant après que le président nord-américain ait pointé son doigt accusateur sur la nation islamique.

L’Iran a donc été rendu responsable de l’explosion de quatre tankers pétroliers dans les eaux des Émirats Arabes Unis et de deux sabotages de l’oléoduc qui traverse l’Arabie Saoudite de l’est vers l’ouest.

C’est dans ce contexte compliqué que Prensa Latina s’est entretenue avec le docteur en Sciences Politiques algérien, Zidane Zeraoui.

Zidane Zeraoui est professeur titulaire et chercheur à l’Institut Technologique de Monterey, au Mexique. C’est aussi un expert en politique internationale spécialisé dans les affaires du Moyen Orient et les nouveaux acteurs internationaux impliqués dans la région, en plus d’être membre du Système National de Chercheurs du CONACYT.

Lorsque nous l’avons interrogé sur les tensions entre les États-Unis et l’Iran et les divers intérêts qui, d’après lui, sous-tendent ce conflit, il nous a répondu qu´il était auparavant « nécessaire de voir qui étaient les principaux alliés de Washington ».

Tout d’abord, nous a-t-il expliqué, il y a Israël. C’est le grand allié des États-Unis, surtout à cause de sa proximité avec Kushner (Jared Corey Kushner qui, en plus d’être le conseiller principal de Trump, est également son gendre).

Il est juif et donc, estime Zinan Zeraoui, « la politique de rapprochement envers Israël n’est jamais allée aussi loin ».

Par exemple, nous a précisé le professeur, aucun président nord-américain, y compris les plus radicaux ou les plus à droite, n’avait osé reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël. « Il s’agit là d’une décision qui rompt avec la tradition de politique extérieure du Gouvernement des États-Unis ».

D’autre part, ajoute-t-il, il faut également tenir compte du rapprochement entre le président Trump et l’Arabie Saoudite, en particulier envers Mohammed bin Salmán, le prince héritier.

La position adoptée par ce dernier rompt également avec la prudence habituelle du gouvernement saoudien, surtout envers l’Iran, les États-Unis et la terre sainte.

“Jusqu’alors, l’une des revendications principales du Royaume Hachémite était la récupération de Jérusalem qui est la troisième ville sainte de l’islam. C’est là un grand changement », insiste Zeraoui, « et, évidemment, cela explique aussi la radicalisation de la politique nord-américaine au Moyen Orient ».

« Si nous ajoutons à tout ceci la question syrienne », nous explique Zeraoui, « et le soutien de l’Iran au président Bashar al-Assad, nous comprenons pourquoi Trump a décidé de rompre ce traité nucléaire qui avait permis, jusqu’à maintenant, de maintenir un certain équilibre dans la région, ou de permettre, pour le moins, de mettre un frein à la course aux armements ».

«C’est le risque que nous courons aujourd’hui. Si les pays européens s’alignent sur la politique des États-Unis -comme cela semble être le cas pour le Royaume-Uni- l’Iran pourrait être poussé à se doter de l’arme nucléaire », prédit-il.

« C’est dans ce contexte qu’il faut placer la politique de Trump, si l’on veut la comprendre. Sa position est non seulement anti-iranienne, ce qui est indiscutable, mais c’est aussi une politique de soutien à des alliés très importants ».

Cette opposition nord-américaine à l’Iran et le confit qui en découle a plusieurs conséquences sur l’équilibre de la région, poursuit le professeur.

« Pour ne citer qu’un exemple: la division qui existait déjà au Moyen Orient entre un axe sunnite (Arabie Saoudite, Turquie, Jordanie, Koweït, Égypte, Tunisie, Émirats Arabes -entre autres, c’est la branche la plus importante de l’islam-) et l’axe chiite (Iran, Irak, Syrie et Hezbollah -au Liban-), s’en est trouvée grandement exacerbée ».

« Si, comme prévu, il y a des élections au Royaume-Uni  », continue-t-il, « et que Nigel Farage et son Brexit Party l’emportent, il adoptera une position très semblable à celle de Trump car Londres se retirera alors aussi de l’accord nucléaire signé en 2015. La situation pourrait donc devenir assez dangereuse car l’Iran chercherait à se doter d’un armement nucléaire afin de pouvoir assurer sa défense ».

« Nous avons déjà le Pakistan et Israël qui sont des puissances nucléaires. Si l’Iran est poussé à ses extrémités, nous en aurons une troisième, ce qui convertira le Moyen Orient en zone potentielle de conflagration majeure. Les rivalités que nous constatons aujourd’hui pourrait donc avoir de très graves conséquences pour l’avenir ».

« D’ailleurs », précise Zeraoui, « toute la politique de l’Iran ne va pas à l’encontre des intérêts des États-Unis dans région. Je crois que Washington à une vision erronée de la situation au Moyen Orient. Par exemple, nous devons nous rappeler le soutien que l’Arabie Saoudite a fourni à certains groupes fondamentalistes ou islamistes qui sont exactement les mêmes que ceux qui s’en prennent aujourd’hui aux intérêts nord-américains ».

« La politique de l’Arabie Saoudite cherche à affaiblir le gouvernement chiite d’Iran, qui a toujours soutenu le gouvernement chiite d’Irak, son allié naturel ».

« Sans oublier que, si l’Iran est en faveur du maintien de Bashar-al-Assad, il combat également les groupes radicaux comme ISIS, qui sont le prolongement d’Al-Qaeda au Moyen Orient ».

« En fait, la branche d’Al-Qaeda qui vit le jour au Moyen Orient il y a une dizaine d’années était financée par l’Arabie Saoudite ».

« En conclusion, je dirais que le système d’alliances au Moyen Orient n’est pas si facile à comprendre car il change tout le temps en fonction des intérêts du moment ».

* Collaboratrice de Prensa Latina au Qatar.

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