Par Orlando Oramas León*
La Havane, 26 juin (Prensa Latina) Le terminal des navires de croisière de La Havane est vide ces jours-ci: autre facette du durcissement de l’embargo imposé par les États-Unis qui veulent ramener Cuba aux moments les plus difficiles de son histoire.
Comme s’il donnait un coup de matraque, en mai dernier, le président Donald Trump a renforcé les interdictions auxquels sont soumis les voyages des citoyens nord-américains désirant se rendre sur notre île. Il a interdit à tous les navires de croisière nord-américains de venir mouiller dans nos ports.
Cette mesure, bien entendu, s’ajoute aux autres sanctions et punitions comme, par exemple, la mise en vigueur de l’Article III de la Loi Helms-Burton, nouvelle tentative destinée à empêcher les investissements étrangers nécessaires à l’île.
Selon les autorités de La Havane, le but de toutes ces actions durcissant le blocus économique, financier et commercial dont souffre l’île depuis si longtemps, est d’asphyxier Cuba et ses habitants en les soumettant à une pénurie généralisée, y compris en matière de nourriture et de médicaments, pour ne donner que deux exemples.
Bref, il s’agit de ramener Cuba à la Période Spéciale, comme on appelle les années qui suivirent la désintégration de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et l’effondrement du camp socialiste en Europe de l’Est, et lors de laquelle notre pays dut faire face à toutes sortes d’épreuves et s’arc-bouter pour survivre.
C’était dans les années 90 du siècle dernier, quand, d’un seul coup, l’île perdit 85 pour cent de son commerce, ce qui lui fit subir de plein fouet les effets nocifs de deux blocus -celui que Washington a renforcé depuis lors et celui qui s’ensuivit par la suite lors de l’ « implosion déliquescente » de l’URSS, le « desmerengamiento », selon le mot employé par le président Cubain de l’époque, Fidel Castro.
On put entendre alors des voix annonçant la fin du socialisme comme modèle de développent économique et la victoire totale et indiscutable du capitalisme.
La Révolution Cubaine allait bientôt irrémédiablement s’éteindre, prophétisait-on. Déjà, à Miami, d’aucuns avaient commencé à préparer leurs valises pour retourner au pays. Il en eut même qui réclamèrent l’autorisation d’ « abattre les communistes » se trouvant sur l’île.
La suite des évènements était tellement indiscutable et Cuba semblait si seule à vouloir résister que même certains qui se disaient amis de la Révolution nous poussèrent à faire des concessions à un ennemi tout-puissant dont l’unique intention était de nous faire disparaître.
En moins de trois ans, notre île, la plus grande des Antilles, perdit 35 pour cent de son Produit Intérieur Brut, ce qui eut un impact considérable sur la vie de tous les jours marquée par de longues pannes d’électricité et autres conséquences désagréables.
« Allons-nous revenir à cette « époque spéciale »? », se demandent certains de nos compatriotes lorsque Washington serre la vis du blocus et que ses effets se font plus durement ressentir.
« … la situation pourrait s’aggraver dans les prochains mois. Mais il ne s’agit pas d’un retour à la pénurie aiguë de la « Période Spéciale » des années 90; aujourd’hui, le panorama est différent car notre économie est plus diversifiée; cependant, nous devons nous préparer pour faire face à la pire hypothèse ».
Ce sont là les mots que le premier secrétaire du Parti Communiste de Cuba, Raúl Castro, a prononcés, en avril dernier, devant le Parlement. Il a ainsi mis le pays en garde et a défini comme priorités nationales essentielles la défense et le développement économique du pays « sans renoncer aux programmes de développement déjà en cours ».
« Nous ne sommes plus dans les années 1990: la conjoncture économique est différente », a aussi déclaré le président de la République, Miguel Díaz-Canel, lors de cette même session du Parlement.
« Notre force, aujourd’hui, c’est que notre économie est plus diversifiée et plus intégrée dans l’économie internationale. Nous avons une industrie touristique, une industrie biotechnique, une industrie pharmaceutique qui se développent. Nous avons un meilleur potentiel d’exportation et de construction. Nous avons des réseaux hydrauliques, des transports, de l’épargne. Nous pouvons varier la provenance de nos importations. Nous pouvons nous améliorer dans bien des domaines », a insisté le premier ministre en s’adressant aux députés.
« Le moment est venu de nous diversifier économiquement davantage », a-t-il ajouté, « tant au niveau international que national, ce qui nous permet, même dans l’adversité, d’aspirer à une augmentation de la croissance, pour modeste qu’elle soit. Les services sont maintenant devenus la source principale de richesse du pays. Nous ne dépendons plus uniquement de notre industrie sucrière ».
La crise économique des années 90 a obligé notre pays à freiner ses importations, à imaginer des plans pour protéger, dans la mesure du possible, ses acquis sociaux, en particulier dans le domaine de la santé et de l’éducation.
Aujourd’hui, comme dans les années 90, le pays résiste; mais, à l’inverse des années 90, il poursuit ses programmes de développement et d’investissement.
Et en même temps, il développe aussi ses liens avec d’autres pays comme ceux de l’Union Européenne, la Chine, la Russie, le Venezuela, l’Angola, le Brésil, et bien d’autres.
L’archipel cubain offre plus de 72 mille chambres (dont les deux tiers dans les catégories quatre et cinq étoiles); l’objectif est d’accueillir cinq millions de touristes étrangers cette année. Dans les années 90, ils étaient 340 mille à peine.
Pendant la Période Spéciale, Cuba se retrouva sans aucune source extérieure de crédit. Aujourd’hui, il existe des accords de renégociation de la dette avec le Club de Paris, avec la Russie, avec l’Espagne et autres créanciers, ce qui nous permet d’avoir accès à des sources de financement diversifiées.
En 2014, une nouvelle Loi sur les Investissements Étrangers a revu nos priorités nationales et permis de rendre plus attractives et flexibles les conditions pour investir dans notre pays. Rien que dans le secteur touristique, il existe plus d’une centaine de projets d’investissement en cours.
Récemment, le Forum des Affaires de Cuba s’est tenu à l’Hôtel National de La Havane, au cours duquel le commissaire à la Coopération et au Développement de l’Union Européenne, Neven Mimica, a condamné la politique d’embargo que Washington impose depuis soixante à notre île.
En cette occasion, le ministre des Investissements Étrangers et du Commerce Extérieur, Rodrigo Malmierca, a indiqué, qu’au cours de ces deux dernières années, Cuba a passé des accords permettant des investissements étrangers sur l’île pour un montant de quatre milliards 500 millions de dollars.
Au cours des ans, 11 gouvernements différents et leurs administrations se sont succédés à la Maison Blanche. Aucun n’a réussi à faire plier Cuba. L’administration Trump, complètera la douzaine. L’hostilité obstinée de son président ne changera rien à l’affaire. Non seulement en raison de la traditionnelle capacité de Cuba pour faire face aux épreuves les plus difficiles, mais aussi parce le Cuba des années 1990 n’est plus le Cuba d’aujourd’hui. Parce que notre pays n’est plus le même.
* Chef de la Rédaction Nationale de Prensa Latina.
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