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Équateur-Pérou : troubles dans les Andes

Par Carmen Esquivel *

La Havane, 20 octobre (Prensa Latina) L’Équateur et le Pérou, deux pays andins, vivent une période de troubles sociaux et politiques, avec leurs particularités de part et d’autre de la frontière commune, mais liée par des experts à la non-conformité avec les modèles néolibéraux.

Si à Quito un ensemble de mesures économiques imposées par le Fonds Monétaire International (FMI) a déclenché 11 jours de manifestations, à Lima, la tension s’est accrue lorsque le président a dissous le Congrès et organisé des élections anticipées, mesure soutenue par les citoyens.

Le 2 octobre dernier, le président équatorien, Lenín Moreno, a publié le controversé décret 883, qui prévoyait notamment la suppression des subventions aux carburants, ce qui a entraîné une hausse des prix de l’essence et du diesel, avec l’augmentation des tarifs de transport qui en résulte.

À la fin des subventions accordées depuis plus de 40 ans, s’est ajoutée la réduction des salaires et des congés des fonctionnaires de 30 à 15 jours, afin de répondre aux exigences du FMI pour recevoir un crédit de 4,2 milliards de dollars.

Ces mesures ont provoqué des protestations, des barrages routiers et des manifestations qui se sont étendus dans tout le pays, malgré la répression des forces de l’ordre, dont le bilan est de huit morts, environ mille trois cents blessés et mille 192 détenus.

Après 11 jours de soulèvement populaire, le Gouvernement a été contraint de revenir en arrière et d’abroger le décret 883, à la suite d’un accord avec le mouvement indigène, leader des manifestations.

La crise actuelle en Équateur trouve son origine dans les pressions exercées par le FMI, qui exige de réduire le déficit public d’un milliard 500 millions de dollars, au prix d’une réduction des dépenses publiques, des emplois et des salaires des fonctionnaires, et d´une minimisation l’État et d’autres mesures impopulaires.

Ces prescriptions ont déjà été appliquées sans succès par le gouvernement de Mauricio Macri en Argentine, où les programmes sociaux ont été démantelés, l’inflation, le chômage et la pauvreté ont augmenté, et le pays a progressé vers la privatisation et l’endettement a augmenté.

L’ancien président équatorien Rafael Correa a établi un parallèle entre le rejet des politiques de Macri et la crise sociale qui sévit actuellement en Équateur.

‘Ces mesures ne génèrent pas de croissance, d’emploi, rien’, a déclaré Correa dans une interview publiée par le quotidien argentin Pagina 12, ajoutant : ‘Ces mesures ont échoué en Argentine, en Grèce et aussi en Équateur’.

CRISE AU PÉROU. LA CORRUPTION EN TOILE DE FOND

Un autre pays andin, le Pérou, est confronté à une situation complexe. Le 30 septembre, le président Martín Vizcarra a décrété la dissolution du Congrès, contrôlé par un bloc néolibéral d’opposition, et a convoqué des élections pour la fin janvier afin d’élire un nouveau parlement.

Vizcarra a pris la décision fondée sur l’article 134 de la Constitution qui donne au chef de l’État le pouvoir de fermer l’organe législatif si celui-ci lui refuse sa confiance et vote contre des initiatives considérées comme prioritaires.

Quelques heures après cette décision, le Congrès a décidé de suspendre Vizcarra et a fait prêté serment à la vice-présidente Mercedes Aráoz, qui a finalement démissionné.

Le président accuse l’opposition d’utiliser le Congrès et les tribunaux pour bloquer les enquêtes en cours sur des affaires de corruption.

Au-delà de la dispute entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, pour Verónika Mendoza, chef du mouvement Nouveau-Pérou, ce qui s’est passé dans son pays est une crise majeure qui dure depuis plusieurs années et concerne l’ensemble de la classe politique et des entreprises traditionnelles.

Elle a rappelé que de nombreux anciens présidents faisaient l’objet d’une enquête ou de poursuites pour corruption et que le Congrès servait de tranchée à une majorité de la droite néolibérale, clairement mafieuse et plus préoccupée par les enquêtes en cours.

En ce qui concerne le soutien des citoyens à la dissolution du Congrès, a estimé Mendoza, le peuple espère au fond que ce sera un premier pas vers une transition démocratique, qui doit impliquer la récupération d’un État qui est aujourd’hui au service de grandes puissances économiques, et que cet État serve la majorité des Péruviens.

Bien que la crise au Pérou soit loin de ressembler aux conflits sociaux en Équateur, divers analystes voient des points communs et la rattachent au début de la fin d’une nouvelle vague néolibérale en Amérique Latine.

‘Les réalités de chaque pays sont particulières, mais le scénario de fond est le même, oligarchie mettant en œuvre des programmes d’ajustement avec le ferme soutien des États-Unis et, dans certains cas, en recourant à l’outil du FMI pour consolider l’assujettissement à long terme par le biais du mécanisme d’endettement’, a signalé l’économiste argentin Claudio Scaletta.

Le journaliste ajoute que cette situation s’exprime au Pérou par la crise institutionnelle, en Équateur par l’explosion sociale et au Brésil par la chute en flèche de l’image d’un président (Jair Bolsonaro) qui est au pouvoir depuis moins d´un an.

Pour le politologue étasunien Noam Chomsky, bien que l’attention soit désormais centrée sur l’Équateur et la répression des mobilisations contre les mesures antipopulaires, l’Amérique Latine fait partie de cette vague qui, à défaut d’un meilleur nom, est généralement appelé néolibéralisme.

‘Une grande majorité de pays vivent dans un état permanent de menace et d’incertitude, tandis que les investisseurs font pression, menacent et augmentent leurs profits’, a-t-il déclaré.

Chomsky a affirmé que dans la région, les injonctions néolibérales ont échoué malgré des inondations répétées de capitaux sous forme de crédits multimillionnaires, qui n’ont laissé dans ces pays ni progrès ni développement, mais des dettes massives et plus de pauvreté.

Dans les deux pays andins, la crise est loin d’être résolue. Il est vrai que les protestations ont cessé en Équateur, mais le pays est en attente d’accord à la table de dialogue entre le Gouvernement et les secteurs populaires.

En ce qui concerne le Pérou, la Cour Constitutionnelle examinera, le 29 octobre, la question de savoir si une plainte contre le pouvoir Exécutif, qui cherche à annuler la dissolution du Congrès, est recevable.

peo/arb/car

*Rédactrice en chef de la Prensa Latina.

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