Par Harald Neuber
Genève, 3 décembre (Prensa Latina) Le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Nils Melzer a accusé le gouvernement équatorien de nombreuses violations du Statut de l’ONU et du droit international dans le cas du journaliste australien Julian Assange.
Les réponses apportées jusqu’à présent par le gouvernement du président Lenín Moreno n’ont pas atténué mes vives inquiétudes quant au respect des obligations de l’Équateur en ce qui concerne l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumain ou dégradant, a écrit Melzer dans une lettre officielle, publiée sur Internet.
Assange, le fondateur de l’organisation médiatique WikiLeaks, s’est enfui à l’ambassade équatorienne à Londres à la mi-2012 pour y obtenir l’asile politique.
Le journaliste, âgé de 48 ans, a justifié sa décision par le risque d’être d’abord extradé vers la Suède puis vers les États-Unis dans le cadre d’une enquête préliminaire sur des infractions sexuelles, qui a maintenant été complètement suspendue.
Après l’élection du président Moreno en Équateur, son gouvernement s’est fermement opposé à l’asile d’Assange.
En avril de cette année, Assange, clairement marqué par les circonstances de son asile à l’ambassade équatorienne, a été remis aux autorités britanniques et se trouve depuis dans la prison de haute sécurité de Belmarsh.
Melzer avait souligné à plusieurs fois et avec une véhémence croissante qu’Assange présentait des traces de torture psychologique qui se manifestait physiquement.
Cette observation a été récemment confirmée par un groupe de médecins internationaux.
‘Dans ce contexte, mon objectif est d’identifier les facteurs qui peuvent avoir contribué à l’émergence de la situation actuelle et de formuler des recommandations pour que les États concernés prennent des mesures d’enquête, de réparation et de réadaptation’, a signalé Melzer au gouvernement de Moreno.
Le fonctionnaire de l’ONU s’est déclaré préoccupé par le fait que ‘si M. Assange était extradé vers les États-Unis, il pourrait courrir un risque réel de graves violations de ses droits de l’Homme, y compris des conditions de traitement et de détention équivalentes à la torture ou à d’autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants’.
D’un point de vue politique, Melzer s’est dit préoccupé par le fait qu’Assange était poursuivi pour avoir publié des preuves de fautes graves commises par des fonctionnaires, dont des crimes internationaux liés à la torture et d’autres peines ou traitements cruels.
Dans le même temps, les propres fonctionnaires incriminés jouissent d´une impunité, a-t-il ajouté.
Il a notamment mentionné la publication d’une vidéo militaire étasunienne intitulée ‘Collateral Murder’ de Wikileaks en 2010.
Cette vidéo montre l’attaque délibérée d’un hélicoptère de combat étasunien contre des civils en Irak.
Au vue de la répression postérieure contre Assange, Melzer a appelé les États concernés à remplir leur obligation internationale de mener une enquête immédiate et impartiale.
Cela serait nécessaire s’il y avait des motifs raisonnables de croire que des actes de torture ou des mauvais traitements ont été commis, a-t-il expliqué.
Le fonctionnaire de l’ONU a critiqué le refus du gouvernement équatorien de se conformer à son appel du 5 avril 2019 de ne pas mettre fin à l’asile d’Assange.
La résolution 34/19 du Conseil des Droits de l’Homme demande, entre autres, aux États de l’appuyer en tant que Rapporteur Spécial et de répondre pleinement et rapidement à ses demandes.
‘De plus, l’ONU a encouragé les États membres à engager un dialogue fructueux avec le Rapporteur Spécial’, souligne-t-il dans sa lettre.
La résolution de l’ONU stipule également que les États membres ont le devoir de suivre les recommandations et conclusions du Rapporteur Spécial.
Selon Melzer, l’actuel gouvernement équatorien n’a pas respecté ces obligations. Il a vivement critiqué les conditions dans lesquelles Assange a dû vivre au sein l’ambassade.
Jusqu’en mars 2018, au minimum, le traitement infligé à l´activiste au sein du siège diplomatique a donné lieu à des tortures psychologiques et dégradantes.
Le fonctionnaire de l’ONU l’a justifié par l’espace vital disponible, la surveillance depuis les salles de l’ambassade, l’utilisation restrictive des droits de visite et la surveillance des visites, la restriction de l’accès à Internet et à la communication, ainsi que la diffamation de la part de représentants du gouvernement équatorien.
De hauts représentants de la direction politique équatorienne, y compris des ministres, le vice-président et même le président lui-même, ont publiquement accusé M. Assange d’une variété de délits allant du piratage informatique à la déstabilisation politique délibérée des États.
Sont également mentionné la falsification de documents jusqu’à la diffusion d’insultes, la négligence de l’hygiène personnelle et même la souillure des murs des ambassades avec des excréments, note la missive.
Je suis très préoccupé par la fréquence avec laquelle ces déclarations ont été faites au plus haut niveau, souvent de manière offensante et sans preuve crédible, explique Melzer.
Enfin, en l’extradant aux autorités britanniques, l’Équateur a violé de manière flagrante son devoir de protection, qui découle tant de la jurisprudence nationale que des statuts de l’ONU et du droit international, a conclu l’expert.
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