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Haïti face à l´abîme de la crise et de l’instabilité

Par Aneli Ruiz Garcia

Port-au-Prince, 10 février (Prensa Latina) Sans Parlement, avec un pouvoir judiciaire affaibli, des accusations de répression politique et des décrets présidentiels contestés, Haïti s’approche aujourd’hui de la crise, de l’incertitude et de l’instabilité.

Au cours des deux derniers jours, la nation a connu une tentative de coup d’État et d’assassinat, selon les déclarations des autorités, ainsi que la destitution de trois juges de cassation pourtant inamovibles et l’installation d’un gouvernement parallèle, tout un cocktail explosif pour un pays d’un peu plus de 11 millions d’habitants.

Au centre du débat se trouve le mandat présidentiel contesté de Jovenel Moïse, qui, bien avant les événements récents, faisait déjà face à des protestations massives contre sa gestion, des accusations de corruption et des critiques sur la violence et le pouvoir croissants de bandes et groupes paramilitaires dans le pays; cependant, il reste soutenu par la communauté internationale, en particulier par l’administration étasunienne.

L’opposition politique plurielle, des organisations de la société civile, la fédération des avocats, des religieux, et y compris le pouvoir judiciaire, ont déterminé que la date de fin du mandat de Moïse était dimanche dernier, une date symbolique car elle marque l’anniversaire de la chute de la dictature. Mais celui-ci ne l´entend pas de cette oreille. 

Ces forces font valoir que l’article 134-2 de la Constitution en vigueur, qui prévoit la réduction de la période présidentielle en cas de problème de décompte des voix, est applicable, et estiment que les élections répétées en 2016 font suite à celles annulées l’année précédente pour des allégations de fraude.

La lecture du gouvernement est diamétralement opposée, en soulignant que le mandataire a prêté serment en 2017 pour une période de cinq ans, une thèse partagée par d’autres organismes comme les Nations Unies et l’Organisation des États Américains (OEA).

Face à ce scénario, l’opposition a défié Moïse et nommé un gouvernement transitoire, dirigé par le plus ancien juge de la Cour de cassation, Joseph Mécène, qui, avec cinq autres collègues du pouvoir judiciaire, a considéré le mandat présidentiel comme expiré.

En réponse, le gouvernement a destitué trois juges par décret, dont Mécène, qu’il a qualifié d´ ‘autoproclamé’ et d´usurpateur du poste de président, ce qui constitue une grave violation de la Constitution et des lois.

Les autres avocats démis de leur fonction sont le juge Yviquel Dabrézil, arrêté dimanche et inculpé avec une vingtaine de personnes de conspiration contre la sécurité intérieure de l’État, et Wendelle Thélot, qui, en septembre dernier, a entravé la prestation de serment du Conseil électoral provisoire nommé par le mandataire.

Bien que les autorités aient justifié que ce n’est pas la première fois que l’exécutif démet des juges de leur fonction, pourtant considérés comme inamovibles par les lois en vigueur, les organisations de la société civile mettent en garde contre l’affaiblissement du pouvoir judiciaire, à un moment où le Parlement est dysfonctionnel et que le gouvernement se retrouve donc sans contrepouvoir.

Alors que l´étau se resserre sur le pouvoir politique, les manifestations antigouvernementales persistent dans les rues et, bien qu’elles soient moins importantes que ces dernières années, elles se sont radicalisées et ont fait l’objet d’une répression policière écrasante.

Tout cela en une année où Moïse propose un changement constitutionnel controversé, loin de parvenir à un accord, et des élections générales et législatives, ingrédients propices à la montée de la violence.

peo/agp/Ane

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