Par Odalys Troya
La Havane, 19 juillet (Prensa Latina) L’ancien président colombien Ernesto Samper a attribué hier la plupart des troubles à Cuba à un possible scénario de déstabilisation dans le contexte de l’agenda géopolitique latino-américain marqué par des processus électoraux.
Dans une interview accordée à Prensa Latina via Internet, il a qualifié de frappant le fait que les épisodes de la prétendue explosion sociale à Cuba coïncident avec certains événements électoraux qui auront lieu au Brésil, en Colombie, au Nicaragua, en Argentine et y compris aux États-Unis, plus précisément en Floride l’année prochaine.
« Il ne fait aucun doute qu’il y a une intention de développer un scénario de déstabilisation qui pourrait avoir un impact électoral. Nous devons être très clairs à ce sujet », a déclaré l’ancien mandataire (1994-1998).
« Les questions de Cuba ne sont pas seulement traitées depuis Cuba, elles le sont aussi depuis les entrepôts de piratage que les anticubains ont mis en place à Miami, en Floride », a déclaré celui qui est aussi ancien secrétaire de l’Union des nations sud-américaines (2014-2017).
« Il ne faut pas non plus exclure le fait que la solution à la question de Cuba soit liée au conflit électoral qui doit se tenir durant les élections de mi-mandat en Floride, territoire perdu par le président des États-Unis, Joe Biden », a-t-il ajouté.
« Ce sont des aspects à prendre en compte dans l’analyse d’un contexte beaucoup plus large que les simples manifestations de mécontentement compréhensibles à Cuba, et qui ne ressemblent pas à la réalité d’autres protestations massives et violentes dans diverses parties d’Amérique latine », a-t-il ajouté.
« Pour autant que je sache, dans aucun pays où ces mobilisations massives ont eu lieu, il n’y a eu de contre-manifestations de soutien et de solidarité comme celles qui ont eu lieu récemment sur l’île », a-t-il manifesté.
Selon l’homme politique colombien, cette question serait de moindre importance si elle n’avait pas eu un tel écho dans les médias.
« Il ne faut pas oublier qu’en Amérique latine, une série de pouvoirs de facto ont progressé. Je parle de groupes économiques, groupes de médias, de juges et procureurs déterminés à judiciariser la politique et d’organisations non gouvernementales, dotées de ressources internationales », a-t-il signalé.
« Ces pouvoirs ont occupé l’espace laissé orphelin, dans plusieurs pays, par les partis politiques au milieu de la crise de représentation que nous connaissons », a-t-il souligné à Prensa Latina.
En outre, ils suivent un scénario sinistre qui consiste à affaiblir les États et à transformer la politique en un exercice de polarisation idéologique dans lequel les citoyens ne votent pas pour des alternatives ou des projets de changement, mais plutôt pour des haines de classe incarnées par des leaders éphémères.
Ces fausses informations sur Cuba, dont beaucoup proviennent de Miami par le biais de plates-formes de géoréférencement sophistiquées et coûteuses, ont clairement pour but de faire peur aux gens et de les inciter à voter de manière défensive, a-t-il expliqué.
C’est pourquoi ils ressortent de l’armoire de vieux slogans tels que les « ennemis communistes », la « perte violente de la propriété privée » ou la stigmatisation des dirigeants et des idées progressistes comme « terroristes ».
En ce qui concerne l’assassinat du président haïtien Jovenel Moïse, qui aurait été perpétré par des officiers militaires colombiens à la retraite, l’allégation de piratage des services de renseignement militaires colombiens par les services de renseignement militaires vénézuéliens, et ce qui se dit au sujet de Cuba, il a souligné que tout cela semblerait faire partie d’un programme de déstabilisation de l’Amérique latine.
Il s’agit de situations qui ont lieu de manière suspicieuse en cette époque électorale de grandes définitions, a estimé Samper, l’un des fondateurs du Groupe de Puebla
En ce qui concerne les épisodes d’agitation sociale à Cuba, Samper a souligné qu’on ne devait pas en être surpris dans le contexte de l’urgence mondiale que l’on connaît en raison de la Covid-19 et à laquelle tous les pays de la région, y compris la nation caribéenne, n’échappent pas.
Bien que dans le cas de cette dernière, il y a un élément explosif supplémentaire, à savoir qu’en plus de la pandémie il y a un blocus qui a coûté au pays environ 347 milliards de dollars au cours des près de six décennies d’application, a souligné l’ancien président colombien.
Un blocus injuste, unilatéral, hégémonique, rejeté par les Nations Unies, qui a survécu grâce aux affrontements politiques entre démocrates et républicains pendant de nombreuses années en Floride, en raison de la forte influence des secteurs cubains qui sont contre la révolution à Cuba, a-t-il fait remarquer.
Cependant, Cuba a réussi à faire de sa lutte pour la survie, au milieu du blocus, un exemple d’héroïsme et de dignité pour le monde .
Cuba est le George Floyd du monde, asphyxié par la botte cruelle du blocus que les États-Unis continuent de lui appliquer, y compris en ces moments difficiles de la pandémie, a décrit Samper faisant une analogie avec les dommages que le blocus économique, commercial et financier a causés à la population de l’île.
Le célèbre homme politique a fait allusion au communiqué publié par le Groupe de Puebla la semaine dernière :
« Quel pays peut survivre quand on lui limite la mobilité de sa population, de ses devises, de ses marchandises, de ses services, de ses aliments, de ses médicaments, des pièces de rechange pour ses centrales électriques, précisément en des temps aussi difficiles que ceux que nous vivons », a cité le politicien colombien.
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