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Les Nouveaux 10 Commandements du monde moderne

Par Marcelo Colusi*

25 avril (Prensa Latina) À la page 104 de la revue “Complot Magazine”, numéro 58, du mois de février 2007 -du Groupe Complot C.A et Complot Media Group, Inc, dont le siège est à Caracas et à Miami- on peut lire les nouveaux “10 commandements”.

En principe, nous pourrions associer ce titre à une référence religieuse ou morale. Mais il n’en est rien. Il s’agit d’un thème de nature différente: l’éthique du capitalisme, les traits de la “morale de consommation”, la civilisation du gaspillage.

À titre d’exemple des “commandements” énumérés dans cette revue, nous en citerons quelques-uns. Le numéro 6 stipule: “Il faut payer le nécessaire pour obtenir un corps parfait”; ou le numéro 10: “Il faut acquérir, dès qu’il sort sur le marché, l’objet le plus désiré: le iPhone”.

En réalité, rien n’est gâché dans ces commandements; on peut y lire encore, par exemple, numéro 5: “ Exhiber votre trésor le plus cher: une peau extraordinaire grâce à “L’Or de Vie”, une crème de chez Dior”;  ou, au numéro 9: “Admirez l’impact du Paris Hilton sur la société, grâce à “Ultra Fabuleuses”, un blog qui vous enchantera; et où l’on peut apprendre, entre autres choses, que la star états-unienne dont on parle est « sortie de prison, divine, comme si elle posait à un défilé de mode”; ou encore, que Christian “Dior a entendu nos prières”.

Nous pourrions penser qu’une telle revue est une publication humoristique et que les “commandements” en question ne sont que des blagues, d’un humour un peu acide, peut-être noir même, mais, enfin, des blagues quand même; mais non, il s’agit là de l’essence même  de la nouvelle “religion” créée par le capitalisme: la société industrielle qui, il y a deux siècles, s’est globalisée et manipule maintenant toutes les relations humaines, dans pratiquement tous les coins et les recoins de la planète avec un mandat impératif pour tous: consommer!

Le dieu en question est le dieu de la consommation. Si l’on ne consomme pas à en mourir, impossible d’obtenir un quelconque succès économique. “Triompher”, dans cette logique, signifie accumuler des biens matériels dans le seul but de les posséder, indépendamment de leur utilité; sans tenir compte des coûts inabordables, y compris lorsqu’ils détruisent de manière irréparable notre maison commune, la Terre. Si l’on suivait ce modèle, on pourrait penser que l’essence de notre vie se réduit à la possession d’objets.

Le régime capitaliste tente de convaincre la population que  la possession matérielle est le summum du bonheur. Et, fidèle à ce précepte, elle est en train de tuer notre planète. Ce consumérisme vorace met en danger les ressources naturelles  de notre maison commune. La pollution commence à atteindre des niveaux insoupçonnés, insoutenables.

Cet état de choses s’accompagne d’une quantité de problèmes presqu’insolubles, qui exigent des décisions politiques. Les modèles de développement en vigueur pour la production et la consommation sont un véritable attentat contre la nature. La vie que nous prêche le capitalisme, c’est la mort.

La revue citée ci-dessus est distribuée gratuitement dans certains centres commerciaux (“malls” ou “shopping centers”, pour les appeler comme les appelle la mode). C’est à dire les nouveaux temples consacrés à l’adoration des nouveaux dieux, les lieux-symbole où l’ « on paye ce qu’il faut payer “ pour obtenir… quoi? La promesse de la félicité?

Nous aurions du mal à dire que “Complot magazine” est une revue particulièrement populaire, d’une consommation généralisée, mais, même si elle ne parvient pas entre les mains de la totalité de la population, le contenu de ses pages, et les “commandements” mentionnés, constituent les règles obligatoires du jeu de la société globalisée dans laquelle nous a placé le grand capital et où le XXI siècle est déjà entré.

En résumé, un commandement sans distinction pour tous les êtres humains: les habitants des forêts tropicales ou des villages perdus du Tibet sont tous des acheteurs en puissance (le Coca-Cola arrive aussi jusque là-bas, peut-être plus facilement que l’eau potable). En fait, nous sommes tous poussés à “posséder les marchandises les plus diverses dès qu’elles apparaissent sur le marché”. Tous, sans distinction, nous devons payer notre tribu à ce dieu-consommation.

Le pétrole – que l’on extraie des profondeurs de la terre, qu’il soit en pleine jungle ou dans le village le plus reculé – nous empoisonne tous, directement ou indirectement, à travers la culture de l’hyperconsommation. Qui peut échapper au grand centre commercial qu’est devenu notre planète? Les conséquences sont mortelles, la globalisation capitaliste ne pardonne pas.

Le “dieu-marché” est la déité suprême. C’est lui qui  donne sens à la société capitaliste; l’histoire du Paris-Hilton n’est que la démonstration de l’insondable stupidité de ce jeu: “consommer à en mourir”. Il suffit d’affirmer qu’il ne s’agit pas là d’une simple métaphore: le modèle du jeu est de consommer pour consommer, même s’il doit entrainer la destruction de la nature et que nous  mourons empoisonnés par le désastre écologique que nous avons créé. Nous devons mourir parce que la mode imposée, nous le demande.

Mais le plus important, – tapi sous ce  modèle de “fashion” dominante – c’est que la production de tout cet attirail, de tous ces bibelots destinés aux vitrines alléchantes, s’appuie sur l’exploitation des travailleurs. C’est une richesse  créée sur  la pauvreté des gens qui la produisent.

Sans doute, tout le monde n’est pas assez naïf pour prendre au sérieux des revues comme celle-ci. Mais, au-delà du nombre de lecteurs qu’une publication de ce genre génère, il faut réagir. Les  propositions que nous offre le socialisme sont tout autres.

Au travail, donc! Construisons!

peo/ag/mc

Spécial pour « Signatures Choisies » de Prensa Latina
* Professeur universitaire, politologue et journaliste argentin. Marcelo Colussi est né en Argentine et a fait des études de Psychologie et de Philosophie dans son pays natal. Il réside actuellement au Guatemala. Il écrit régulièrement dans la presse digitale alternative et est l’auteur de plusieurs textes portant sur les  sciences sociales et la littérature.

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