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La Turquie entre défi et respect envers la justice européenne

Par Antonio Cuesta *

Ankara, 23 novembre (Prensa Latina) La Cour Européenne des Droits de l´Homme (CEDH) a exigé à la Turquie la libération de l´opposant politique kurde Selahattin Demirtas, coprésident du Parti Démocrate des Peuples (HDP), qu´elle maintient de manière injustifiée en prison préventive.

La décision de la Cour a accepté que Demirtas, en prison depuis novembre 2016, ait été détenu à l´époque pour un « soupçon raisonnable » d´avoir commis des délits, mais elle a cependant considéré que la prolongation de son emprisonnement de la part des autorités turques ne comptent pas de motifs « suffisants » pour justifier une telle durée, puisqu´il n´existe aucune sentence ferme à son encontre.

Le haut tribunal a de plus considéré, dans le jugement émis le 20 novembre, que l´emprisonnement du leader kurde a limité sa liberté d´expression en l´empêchant de participer aux activités politiques menées par son parti durant les campagnes du référendum pour la réforme constitutionnelle, en avril 2017, et des élections présidentielles de juin 2018, lors desquelles Demirtas était candidat.

À ce sujet, le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, a prévenu que son pays ne respecterait pas la sentence pour ne pas être lié à la Cour, puis a accusé la CEDH de « soutenir le terrorisme », signalant que cette décision « ne nous concerne pas » et que ce tribunal a « jusqu´à ce jour émis de nombreuses sentences liées à des organisations terroristes; toutes à notre encontre ».

Au moment de sa détention Demirtas était coprésident du HDP et parlementaire de cette formation à l´Assemblée Nationale, puis il a été accusé de délits qui vont de « l´exaltation du terrorisme » à l´ »incitation à la haine », en passant par la participation à la « direction d´organisation terroriste », et sur la base desquels le Ministère Public a demandé 142 ans de prison.

Lors de ses déclarations Erdogan a également accusé « les institutions de l´Union Européenne (UE) » pour leur prétendu soutien aux organisations armées, faisant fi du fait que le TEDH n´appartient pas à l´UE mais au Conseil de l´Europe, une organisation intergouvernementale ayant son siège à Strasbourg, et dont font partie 47 États du vieux continent, et duquel la Turquie est membre fondateur depuis 1949.

Le leader turc a démontré avoir une mémoire sélective puisque le dernier jugement du haut tribunal en relation avec la Turquie, émis le 27 septembre dernier, a rejeté la demande, suite à de prétendues tortures et mauvais traitements, présentée par Abdullah Ocalan, leader de l´illégal Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), emprisonné dans cette nation depuis 1999.

Non seulement ceci, c´est que le propre Erdogan a eu trois fois recours à la CEDH lorsqu´il a eu des problèmes avec la justice de son pays entre 1999 et 2002, alléguant la violation de droits de procédures ou réclamant la restitution de ses droits politiques, et y compris plus récemment, durant la crise diplomatique avec les Pays-Bas en mars 2017, il a même annoncé une éventuelle demande devant la Cour Européenne.

Il est certain que quelques voix à l´intérieur du Ministère de la Justice ont qualifié l´invective d´Erdogan d´ »opinion personnelle », et le titulaire de ce prote-feuille, Abdulhamit Gül, a reconnu que « la CEDH fait partie de la législation nationale », ajoutant que le pas suivant du pouvoir judiciaire sera d´évaluer la sentence puis de décider des actions postérieures.

L´avocat défenseur de Demirtas, Mahsuni Karaman, tout comme le HDP et d´autres organisations des droits de l´Homme ont demandé la libération immédiate de l´homme politique emprisonné puisque, comme le fait clairement entendre la sentence, sa détention viole les articles 5.3 (sur le droit à un jugement juste) et 18 (sur les restrictions aux droits de base) de la Convention Européenne des Droits de l´Homme.

Le responsable du département des Relations Internationales du HDP, Nazmi Gur, a qualifié les commentaires d´Erdogan de « complètements inacceptables » et de défi envers la Cour, rappelant que depuis 1987 la CEDH fait partie du système judiciaire turc, et que ses décisions sont donc valables.

Il n´y a aucun doute que tant les articles 46 de la Convention Européenne, comme le numéro 90 de la Constitution turque, régulent explicitement le fait que les résolutions émises par la CEDH prévalent sur la législation nationale, ce qui fait qu´il n´y a aucun type de défi porté à l´autorité du tribunal, seulement le fait de respecter la décision de la sentence.

En ce sens, les affirmations d´Erdogan ne peuvent qu´être interprétées comme une méconnaissance des lois de son pays, ou comme une tentative de faire pression sur le pouvoir judiciaire pour qu´il ne libère pas de manière automatique le leader kurde.

Il est cependant très probable que le futur proche de Demirtas soit en prison, car selon les articles 43 et 44 de la Convention Européenne des Droits de l´Homme, l´État demandé a 90 jours pour faire appel de la résolution émise devant la Salle Ordinaire, et attendre que la Grande Salle accepte le recours; si tel est le cas elle émettra une sentence définitive et applicable.

Depuis la prison, Demirtas a émis un communiqué disant que la CEDH l´avait reconnu comme « un otage politique », puis a prévenu que la « tutelle de la politique sur le pouvoir judiciaire est une grande menace pour la démocratie tout comme pour le futur de la nation ».

Seul le temps pourra faire valoir la réelle portée de ces affirmations.

* Correspondant de Prensa Latina en Turquie

peo/arb/ac

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